La chronique « poches aventuriers » de François Angelier : Pierre Mac Orlan, Jack London et René Treuil

Dès le titre, sifflotante et persiflante, s’élève une petite musique qui accompagnera le lecteur de bout en bout, un air que Pierre Mac Orlan (1882-1970) nous pianote dans le suraigu de l’accordéon, pour troubler l’atmosphère de la taverne littéraire, ses débitants et ses habitués. Paru en 1920 aux Editions de la Sirène, signé par un ancien poilu de la Somme, chantre des marins et des tringlots, reporter en béret et apôtre en knickerbockers du « fantastique social », le même qui empoissera bientôt Le Quai des brumes (1927), le Petit manuel du parfait aventurier, mode d’inemploi démystifiant, entrechoque deux mondes antagonistes : celui, d’une part, de l’aventure, impression sublime qui n’existe hélas que dans l’imagination des quelques quêteurs d’émois « qui la désire[nt] » vraiment et surtout vache à bière de toute une clique de romanciers labellisés ; d’autre part, celui des usagers de manuel, conteurs tarifés et goûteurs d’explorations en dix leçons.

Naissent de cet attelage donquichottesque deux types d’individus : l’aventurier actif et l’aventurier passif. Le premier ignore l’école et la mort, vit dans l’élan et finit par signer dans la Légion ; le second est un risque-tout en chambre, une tête brûlée mais à feu très doux, un casse-cou sans cou que Mac Orlan dissèque avec une joie maligne : sédentaire, érudit, nécrophage, passant ses week-ends à Anvers (Belgique) ou à Rochefort (Charente-Maritime), bref, un « paralytique qui réciterait cent fois par jour L’Invitation au voyage ». L’aventure, que voulez-vous, c’est comme la politique, il y a ceux qui la vivent et ceux qui en vivent. Choisis ton camp, camarade !

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