Vanessa Dougnac, journaliste, correspondante de plusieurs titres francophones durant deux décennies, a été obligée de quitter l’Inde en 2024. Elle revient sur sa vie et son travail en Asie du Sud dans un livre, Jungles.
Je n’ai pas eu d’explication officielle précise. Je possède seulement la lettre du ministère de l’intérieur me demandant, en janvier 2024, de remettre mon titre de séjour, et m’accusant notamment de mener des « activités journalistiques » jugées « malveillantes et critiques », « créant une perception négative et biaisée de l’Inde », pouvant « provoquer des troubles » et « contraires à la sécurité de l’Inde et aux intérêts du grand public ».
Dans le livre, je raconte ma quête pour comprendre. Interdite de travailler en septembre 2023, je suis restée dix-sept mois à Delhi, frappant aux portes pour obtenir le droit d’exercer mon métier, avant d’être expulsée. Cette période correspondait à l’apothéose du nationalisme hindou, propulsé par un sentiment de toute-puissance des partisans de Narendra Modi [premier ministre depuis 2014]. Les mentalités et la ville changeaient sous mes yeux, alors que mon monde s’écroulait. Soudain, j’étais traitée en « antinationale ». Le livre retrace cette tension politique et intime, et mes efforts pour en comprendre les raisons. Mes sources ont évoqué notamment certains de mes reportages au Cachemire, un sujet à présent tabou en Inde, et d’autres, plus anciens, sur la rébellion maoïste.