François Mabille, politiste : « A travers son premier déplacement, le pape Léon XIV affirme un style diplomatique lui donnant une stature d’arbitre »

Le premier voyage international de Léon XIV, de la Turquie au Liban, a révélé un pape soucieux de replacer l’histoire et la symbolique chrétienne au cœur de son pontificat, et d’inscrire chacune de ses prises de position éthiques dans un cadre juridique clair. Une diplomatie qui se distingue par sa subtilité narrative, mais aussi par une référence constante au droit, utilisé comme socle universel dans des environnements politiques fragiles.

Dès son arrivée à Ankara, il s’est rendu au mausolée d’Atatürk, manière de rappeler que la Turquie moderne repose sur une architecture juridique laïque – aujourd’hui travaillée et réinterprétée par le pouvoir. Ce geste, très codé, a précédé un discours où il insistait sur les « libertés fondamentales » et la « dignité de tous », notions qui, dans sa bouche, renvoient toujours à un registre précis : celui du droit international, des droits humains, qu’il mobilise fréquemment sans nommer les textes mais en adoptant leur langage. Ainsi, son appel à reconnaître la pluralité des identités religieuses en Turquie renvoie explicitement aux engagements internationaux du pays en matière de liberté religieuse.

A Istanbul, sa rencontre avec le patriarche orthodoxe Bartholomée a prolongé cette approche. En affirmant que les chrétiens « appartiennent pleinement à l’identité turque », il ne se contente pas de défendre un fait historique : il rappelle, de manière indirecte, les obligations de l’Etat de protéger ses minorités selon le droit interne et les conventions internationales ratifiées par Ankara. En cela, sa diplomatie ne se limite pas au symbole : elle propose un cadre juridique que la Turquie est supposée assumer, même si le pape évite soigneusement toute confrontation directe.

Le geste le plus commenté reste toutefois son choix de ne pas prier à la Mosquée bleue. En visitant le monument sans y accomplir un acte liturgique, Léon XIV trace une frontière interreligieuse précise : le respect mutuel n’implique pas la confusion des rites. Là encore, il s’appuie sur un principe de droit – celui de la liberté de conscience et du respect des pratiques de chaque religion, qui fonde la possibilité même du dialogue interreligieux.

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