Sur la route qui mène à ce joyau, on trouve un Abdellatif Kechiche pied au plancher, venu voici dix ans se laver à Sète des règlements de comptes qui – sous les griefs cumulés de la violence au travail, du « male gaze » et de la concupiscence – avaient assombri en 2013 la Palme d’or de La Vie d’Adèle (1 million de spectateurs).
Dans l’Hérault, chez le Brassens de La Mauvaise Réputation, il part alors, fidèle à son tempérament, aggraver son cas. S’entoure d’une jeunesse vibrionnante, se met entre mer et soleil en surchauffe épidermique, célèbre à fleur d’objectif les ruses, détours et pâmoisons du désir, frémit à la beauté dionysiaque du monde, enquille surtout en neuf mois de tournage de quoi faire dix films sur une intrigue qui tient sur une feuille de papier à cigarettes.
Entre les mille drames qui coûtent à Kechiche dix années de nouveaux combats, trois films seront tournés : Mektoub, My Love. Canto Uno (2018) ; Mektoub, My Love. Intermezzo (2019, inédit en salle) ; Mektoub, My Love. Canto Due, en salles le 3 décembre. On y dénombre une guerre de tranchées avec son producteur Pathé. Une séance cannoise de cauchemar pour Intermezzo, longue transe sexuelle boycottée par son actrice principale, qui ne sortira jamais. Une mise en liquidation judiciaire de sa société de production. Enfin et surtout, un accident vasculaire cérébral qui le terrasse à quelques encablures de la première projection du troisième volet au Festival de Locarno (Suisse), en août.