L’antibiorésistance est l’un des grands défis sanitaires du XXI? siècle. Elle menace l’efficacité des traitements, fragilise les systèmes de santé et met en péril la sécurité alimentaire mondiale. Reconnue comme une priorité par l’Organisation mondiale de la santé, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture et l’Organisation mondiale de la santé animale, elle est souvent présentée comme un problème dont les animaux, et surtout l’élevage, porteraient une large responsabilité. Or, les données scientifiques récentes, notamment celles de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (rapport 2023), invitent à nuancer ce récit.
Depuis plus de dix ans, la France mène une politique rigoureuse de réduction des usages d’antibiotiques en médecine vétérinaire. Les trois plans Ecoantibio ont permis une baisse de 52 % de l’exposition globale, près de 90 % pour les fluoroquinolones en aviculture, et une diminution nette des résistances bactériennes. Ces résultats, salués en Europe, ne s’accompagnent d’aucun signal épidémiologique fort reliant les bactéries résistantes isolées des animaux à celles observées chez l’humain pour la majorité des bactéries prioritaires (staphylocoque doré résistant à la méticilline, entérobactéries, etc.).
Le prisme de la fausse symétrie de l’approche « One Health » est à corriger. Oui, les santés humaine, animale et environnementale sont interconnectées. Mais leur contribution à l’antibiorésistance n’est pas équivalente. En France, malgré la forte baisse d’usage vétérinaire, les résistances des bactéries humaines ne reculent pas. Les principaux moteurs sont ailleurs : prescriptions inappropriées, automédication, transmission nosocomiale, hygiène insuffisante. Les infections humaines dues à des bactéries d’origine animale restent rares, hormis quelques toxi-infections alimentaires. Les preuves de transmissions directes sont encore limitées.