Le maire de Saint-Etienne, Gaël Perdriau, a été reconnu coupable, lundi 1er décembre, de chantage à la sextape et condamné à quatre ans de prison ferme et une inéligibilité immédiate, une peine plus sévère que celle requise lors de son procès. « Je suis innocent, cette décision est totalement incompréhensible », a-t-il déclaré à la sortie du tribunal correctionnel de Lyon, en annonçant qu’il ferait appel. L’édile de 53 ans, ex-Les Républicains (LR), a été jugé à la fin de septembre dans cette affaire de piège tendu à un rival, l’ex-premier adjoint Gilles Artigues, filmé à la caméra cachée en compagnie d’un prostitué, puis contraint à faire profil bas.

« Le tribunal a bien entendu tout ce que vous avez opposé » aux accusations, mais « n’a rien trouvé en termes d’excuse » pour minimiser « l’extrême gravité des faits », a déclaré la présidente du tribunal, Brigitte Vernay. Soulignant « le devoir d’exemplarité », « de dignité » et « de représentation » des élus, elle a déclaré le maire « entièrement coupable » de chantage, association de malfaiteurs et détournement de fonds publics et a prononcé des peines allant au-delà des trois ans ferme requis par le ministère public.

Gaël Perdriau a été condamné à cinq ans de prison, dont quatre ans ferme, avec mandat de dépôt à effet différé, assorti de l’exécution provisoire, autrement dit il sera bientôt incarcéré, et à cinq ans d’inéligibilité avec application immédiate, ce qui lui impose de quitter tout de suite la mairie. A l’annonce du jugement, Gaël Perdriau est resté impassible, et quelques applaudissements ont retenti dans la salle. « Nous prenons acte de cette décision d’une sévérité inouïe, dont l’exécution provisoire nous paraît parfaitement injustifiée. Nous déposerons une demande de mise en liberté dès que possible », ont réagi ses avocats.

A la sortie du tribunal, Gilles Artigues s’est, au contraire, dit « soulagé » d’une décision qui reconnaît son « statut de victime ». « Aujourd’hui je pense que je vais pouvoir me reconstruire », a ajouté l’ancien député centriste. La peine prononcée contre Gaël Perdriau est « très sévère » mais « en rapport avec sa responsabilité, son rang d’élu et sa participation à des faits (…) véritablement mafieux », a poursuivi André Buffard, qui représentait Gilles Artigues.

Si Gaël Perdriau a toujours nié avoir participé à un chantage pour le museler, plusieurs membres de son entourage ont assumé leur rôle dans le piège et ont été condamnés à de peines lourdes. Pierre Gauttieri, qui fut pendant dix ans directeur de cabinet du maire, a été condamné à quatre ans, dont deux avec sursis. Lors de l’instruction, et à la barre, il a assuré que Gaël Perdriau lui avait demandé, dès son élection, en 2014, « une solution pour tenir en respect Gilles Artigues », dont il doutait de la loyauté.

L’idée de piéger avec un prostitué ce catholique opposé au mariage entre personnes de même sexe a germé lors d’échanges avec l’ancien adjoint à l’éducation Samy Kéfi-Jérôme, et le conjoint de ce dernier, Gilles Rossary-Lenglet.

Pour le premier, qui avait servi d’appât et avait posé la caméra cachée, le tribunal a retenu une peine de quatre ans de prison dont un avec sursis. La même peine a été prononcée contre Gilles Rossary-Lenglet, qui a reconnu avoir eu l’idée de piéger Gilles Artigues sur le plan des mœurs, avoir réservé le prostitué et monté les rushs de la vidéo intime.

Ce personnage atypique, qui, de son propre aveu, « grenouillait » dans le milieu politique stéphanois, est l’homme par lequel le scandale est arrivé : c’est lui qui, séparé, au chômage, et malade, est allé voir le site d’investigation Mediapart avec la « sextape » en 2022. « Le jugement dit que je dis bien la vérité. Cette vérité est implacable pour moi, mais je l’assume », a-t-il dit.

Lors du procès, deux couples à la tête d’associations stéphanoises avaient comparu à leurs côtés pour « abus de confiance », soupçonnés d’avoir joué un rôle dans le financement de ce dossier compromettant. Sans être au courant de l’existence de la vidéo, ils étaient accusés d’avoir perçu des subventions municipales, attribuées sur la réserve du maire, et de les avoir reversées à Gilles Rossary-Lenglet. Le tribunal les a relaxés, estimant ne pas avoir discerné d’« intentions frauduleuses » de leur part.

Venue à Lyon entendre le délibéré, la conseillère d’opposition Isabelle Dumestre s’est félicitée d’une « bonne nouvelle pour Saint-Etienne ». « La justice a mis Gaël Perdriau hors d’état de nuire », a renchéri son confrère socialiste Johann Cesa.

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