Faut-il en finir avec la nature ? La question qui divise les penseurs de l’écologie

Les mots manquent parfois. Par exemple, pour qualifier l’étonnante éruption qui s’est produite à Rome, en 1992. A Pigneto, quartier populaire derrière la gare de Termini dont Pier Paolo Pasolini fixait la misère dans Accattone (1961), le terrain de la plus grande usine privée de Rome aurait dû devenir aussi le plus grand centre commercial de la ville. Mais les travaux ont percé la nappe phréatique dans laquelle puisait depuis des décennies la fabrique de soie artificielle. Aussitôt, un étang s’est formé, un mouvement militant s’est créé, et le Lago Bullicante est né.

Trois décennies plus tard, le lac et son grand parc font figure de poumon au cœur de Rome. Sur place, on utilise un joli mot d’italien pour qualifier ce retour d’eau, d’arbres et d’animaux inattendu pour ce quartier habitué au béton et à la spéculation immobilière : on parle d’insorgenza. Un terme qui signifie à la fois « résurgence » et « insurrection ».

La langue française ne dispose pas de cette nuance pour qualifier cette irruption qui passionne d’autant plus une poignée de chercheurs à travers l’Europe qu’elle s’inscrit dans une constellation de résurgences similaires, du marais Wiels de Bruxelles au lac Vacaresti de Bucarest et à la carrière Liban de Cracovie, en Pologne. Au-delà du lexique, c’est une question philosophique que posent à leurs yeux le Lago Bullicante et son parc, où s’hybrident végétaux et squelettes industriels, car ils brouillent les cartes établies : sont-ils naturels ou artificiels ? Domestiques ou sauvages ?

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