Est-ce bien raisonnable de… s’habiller tous les jours pareil ?

Avant de rentrer dans le vif du sujet, rappelons qu’il y a deux types d’individus s’habillant chaque jour de la même façon et que, malgré leur ressemblance, ils ne se valent pas. Les premiers, cédant à la flemme, portent exactement les mêmes pièces d’un jour sur l’autre, sans lavage ni aération. Les seconds construisent inlassablement leur allure autour des mêmes pièces, régulièrement lavées en machine mais achetées en boucle, et méritent en revanche quelques lignes admiratives.

Le port d’une panoplie assimilable à un uniforme relève beaucoup plus de la stratégie habile que de la paresse vestimentaire. Concrètement, si le passionné de mode ne verra dans ce choix que l’occasion ratée de prendre du plaisir en s’habillant, celui qui y a recours répondra avec le sourire que cela simplifie autant son quotidien que le remplacement des cartes routières par une appli GPS. Comme l’expliquèrent autrefois Steve Jobs ou Barack Obama, l’adoption d’une tenue unique représente en effet un gain de temps considérable et un sacré allègement de charge mentale.

Mais là n’est pas l’essentiel. Plus encore que par son productivisme acharné (tous n’ont pas le job qu’occupait Jobs), celui qui fait le choix de s’habiller chaque jour pareil se distingue en effet par son indépendance d’esprit et son insensibilité aux frissons consuméristes de l’époque. Dans un monde où chaque nouvel achat de vêtement est un prétexte à poser son téléphone sur un trépied pour filmer une vidéo de type « prépare-toi avec moi », et ainsi offrir à sa communauté une preuve de vie, l’individu en uniforme assume la marginalité.

Que son choix soit élégant ou banal, aérien ou plombant, riche ou pauvre, sophistiqué ou plouc, qu’il consiste à porter sempiternellement le même jean bleu et le même tee-shirt noir, le même costume marine deux boutons ou la même grenouillère en pilou pilou mauve brodé d’un petit arc-en-ciel au niveau de la poitrine, son approche s’inscrit ainsi toujours dans une démarche politique. En renonçant à faire de son style un outil d’attractivité et de visibilité, il est même un objecteur de conscience vestimentaire. Aussi longtemps, en tout cas, que sa machine à laver fonctionne.

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