En Nouvelle-Calédonie, la vie impossible au pied des barrages : « Si on quitte la maison plus de quelques heures, on sait très bien ce qui va arriver »

En Nouvelle-Calédonie, la vie impossible au pied des barrages : « Si on quitte la maison plus de quelques heures, on sait très bien ce qui va arriver »

Les traits tirés par l’accumulation de nuits sans sommeil, Linda (toutes les personnes citées ont souhaité garder l’anonymat) tapote sur son ordinateur, sur la table de jardin installée à l’arrière de sa maison. Dans ce quartier résidentiel de Dumbéa-sur-Mer, près de Nouméa, huit semaines après le début des violences qui secouent la Nouvelle-Calédonie depuis le 13 mai, la jeune femme continue de télétravailler une partie du temps. Son époux et elle se relaient pour assurer une présence permanente dans le foyer. Et le portail d’entrée, qui restait jusqu’ici ouvert pour les amis de passage, est désormais fermé d’une grosse chaîne métallique.

Sur la chaussée, juste devant chez eux, un barrage a été érigé aux toutes premières heures de la mobilisation contre la réforme électorale qui a dégénéré en émeutes. Une version « miniature » du principal point d’insurrection du quartier, situé au rond-point, 200 mètres en contrebas.

Partir, le couple n’y pense pas, pour le moment. « Si on quitte la maison plus de quelques heures, on sait très bien ce qui va arriver », dit en soupirant Linda. Depuis le début des violences, des dizaines de maisons ont été pillées et incendiées. Malgré tout, la mère de famille veut croire que le pire est passé : « On a eu tellement peur au début. Les cris, les explosions et les fumées âcres des carcasses de voiture en train de brûler juste devant chez nous. Une nuit, ça a été si terrible qu’on a tous dormi dans la même chambre, habillés et chaussures aux pieds. On avait fait un sac pour chacun des enfants, avec du change et les papiers d’identité. On avait imaginé fuir par la fenêtre s’il le fallait. »

L’intensité des violences a nettement diminué, mais « on n’est pas sereins. On va mettre du temps à s’en remettre, et ce n’est pas terminé. Les barrages sont certes plus petits, mais ils sont toujours là. » Quant à l’avenir, il paraît bien incertain : « On aime ce quartier, c’est mixte, il y a toutes les ethnies représentées. Ça nous arrivait d’aller présenter une coutume [geste fait dans la coutume kanak], s’il y a un deuil chez un voisin kanak, là, on sent que le regard sur nous a changé. »

Jeannette et Jean-Marc habitent un autre quartier sensible de Dumbéa-sur-Mer, Apogoti. Leur maison est située le long de la voie express, où chaque nuit, ou presque, forces de l’ordre et jeunes militants encagoulés s’affrontent dans un incessant jeu du chat et de la souris. Au fond du jardin, une butte les cache de la route sans les protéger des dégâts collatéraux. « Les gendarmes tirent totalement au hasard, et arrosent tout le quartier de leurs grenades. D’accord, ils veulent attraper les jeunes, mais il y a des familles ici, on existe nous aussi », fulmine Jean-Marc.

Recomendar A Un Amigo
  • gplus
  • pinterest
Commentarios
No hay comentarios por el momento

Tu comentario