Les Etats-Unis d’Amérique ont failli renouer, samedi 13 juillet, avec leurs pires démons. A quelques centimètres près, la vie du candidat républicain à l’élection présidentielle du 5 novembre, Donald Trump, aurait été emportée par les balles tirées, selon les premières constatations, par un homme de 20 ans, sans antécédents judiciaires. Ce dernier a par ailleurs tué, avant d’être lui-même abattu par des forces de police, un sympathisant républicain et blessé grièvement deux autres, venus assister à un meeting de campagne tenu près de Pittsburgh (Pennsylvanie), Etat crucial pour l’élection.
Cet attentat, qui a manqué sa cible de justesse, ne peut être que condamné. Il ne surprendra cependant que ceux qui refusent de voir où conduit inexorablement la division poussée jusqu’à l’incandescence, un climat de guerre civile dans laquelle l’adversaire est un ennemi, et le critique un traître. Enquête d’opinion après enquête d’opinion, on a pu mesurer aux Etats-Unis au cours des dernières années combien la violence politique se fraye un chemin vers l’acceptabilité.
Tout devient permis pour une minorité qui envisage d’appuyer sur la détente si le bulletin déposé dans l’urne ne permet pas de stopper le camp d’en face, qui ne peut être que celui du mal. Circonstance aggravante, cette dérive concerne un pays malade du fétichisme conservateur envers les armes à feu. Cette obsession insensée, produit d’une guerre culturelle mortifère, met un fusil semi-automatique dans les mains du premier venu.
Il n’y a malheureusement rien à attendre sur ce front. En dépit de l’existence de majorités indiscutables, favorables à un encadrement de bon sens de l’accès aux armes, l’obstination républicaine, soutenue par le laxisme coupable d’une Cour suprême dominée par des juges conservateurs, est la garantie du statu quo.
Le traumatisme évité de peu en Pennsylvanie invite en revanche à une indispensable prise de conscience à propos d’une autre arme, tout aussi menaçante, celle des mots, agités en toute inconscience sur les tribunes, les plateaux de télévision et les réseaux sociaux. Le paradoxe veut que celui qui a réchappé au pire attentat politique de ces dernières années n’a souvent rien fait pour que son pays revienne sur ce point à la raison. Bien au contraire.
En contestant jusqu’à l’absurde les résultats de la présidentielle de 2020, Donald Trump avait ainsi ouvert la porte à une escalade qui avait culminé avec l’assaut infructueux de ses partisans contre le Capitole, à Washington, le 6 janvier 2021. Ils y avaient promis la potence au vice-président Mike Pence, qui s’opposait à leurs manœuvres au nom de la Constitution des Etats-Unis.
Si des républicains ont immédiatement fait valoir que présenter l’ancien homme d’affaires comme une menace contre la démocratie, comme le font leurs adversaires, revenait à armer le bras du tireur de Pennsylvanie, les démocrates peuvent souligner que la campagne de l’ancien président repose sur une rhétorique incendiaire faite de promesses de purge et de vengeance politique qui alimente cette machine infernale.
Il faut espérer que l’inhabituel appel à l’unité du pays lancé par Donald Trump au lendemain de la fusillade, et relayé par Joe Biden, fasse son chemin. En s’abandonnant au poison de divisions fratricides, les Etats-Unis d’Amérique font le jeu de leurs ennemis et désespèrent leurs alliés.