Le 8 mai 2024, K. doit prendre un avion d’Istanbul, en Turquie, à Paris. Sauf que l’agent du FSB a trop bu. Interdit de monter à bord, il se rabat sur un autre vol qui part de Bulgarie. Sur le chemin, dans un restaurant, ce chef cuisinier, formé dans une école parisienne, appelle au téléphone son supérieur des services de renseignement intérieur russes. Dans la discussion, le jeune homme lâche, deux mois avant le début des Jeux olympiques (JO) de Paris, que « les Français vont avoir une cérémonie d’ouverture comme il n’y en a jamais eu ». Grâce à des sources sécuritaires et étrangères, Le Monde a pu retracer son parcours.
Le 21 juillet, K. a été interpellé à son domicile parisien, précise le parquet de Paris. Selon plusieurs services de renseignement européens, une carte d’une unité d’élite des forces spéciales russes, agissant sous le commandement du FSB, aurait été retrouvée dans son logement. Une information judiciaire pour « intelligence avec une puissance étrangère en vue de susciter les hostilités en France », un crime faisant encourir trente ans de réclusion criminelle, a été ouverte, mardi 23 juillet. K. a été mis en examen pour ce motif le même jour et placé en détention provisoire.
Le quadragénaire prétend travailler comme « chef privé » et publie des tutoriels de cuisine sur les réseaux sociaux. Il y est suivi par quelques milliers de followers, essentiellement russes, qui retrouvent aussi un participant à des émissions de télé-réalité. Selon le CV rédigé par le citoyen russe et consulté par Le Monde, l’homme a été associé dans un fonds d’investissement moscovite avant de travailler dans d’autres entreprises financières.
A cette période, K. s’installe en France et change soudainement de voie. Formé dans une école de cuisine parisienne, le jeune homme s’installe à Courchevel, station de ski prisée par l’élite russe, en novembre 2011, pour un stage dans un palace étoilé Michelin. Il y restera jusqu’en mars 2012.
Six mois plus tard, le 9 septembre 2012, il reçoit un mail, consulté par Le Monde, de Viviane H., la propriétaire de l’appartement qu’il loue dans le 2e arrondissement de Paris, dans lequel elle prend de ses nouvelles. Dans sa réponse, K. indique être rentré à Moscou pour y travailler comme « officiel » dans le « gouvernement russe », sans donner plus de précisions. Une ligne qui n’apparaît nulle part sur son CV, consulté par Le Monde.
Les errances françaises de K. s’arrêtent brutalement, fin juillet 2024. A 6 heures, des policiers de la BRI, saisis par la DGSI, pénètrent dans son appartement, rue Saint-Denis. Selon les informations recueillies par Le Monde, leur intervention a lieu dans le cadre juridique d’une « visite domiciliaire » – une mesure administrative à l’encontre de profils jugés dangereux ou suspects. La BRI trouve sur place des « documents d’intérêt diplomatique ».