Simone Kahn, héroïne surréaliste, première épouse d’André Breton et grand-mère adorée

Pour eux, elle est Simone, grand-mère vénérée, légende familiale. Pour André Breton, elle était « mon petit chéri », celle qu’il a toujours vouvoyée, son adorée, sa première épouse. La seule femme qui apparaisse sur une des photos de la Centrale surréaliste, entourée notamment de Paul Eluard, Robert Desnos, Philippe Soupault, Giorgio de Chirico, Roger Vitrac et Jacques-André Boiffard.

Le galeriste Vincent Sator et son grand frère, qui ne souhaite pas donner son prénom, ont grandi dans le souvenir de Simone Kahn, qu’ils connaissent en tant que Simone Collinet, épouse en secondes noces de leur grand-père Michel. Longtemps, celle à qui Breton a dédié son recueil poétique Clair de terre est restée une simple figurante dans l’histoire échevelée du surréalisme. La première des trois épouses du « pape » du mouvement, avant Jacqueline Lamba et Elisa Bindhoff.

Depuis une dizaine d’années, les recherches menées à son sujet l’attestent enfin : elle a joué un rôle essentiel dans l’épopée de cette avant-garde, elle dont Louis Aragon disait : « Elle vient du pays des oiseaux-mouches, ces petits éclairs de musique, elle ressemble au temps de tilleuls. » Ses sublimes lettres à sa cousine Denise Lévy le racontent : elle était à la fois cheville ouvrière de la troupe, médiatrice entre André Breton et certains artistes de sa garde rapprochée, dactylo malgré elle des songes éveillés qui occupaient leurs nuits.

De sa pensée si fine, de ses intuitions, Simone Kahn a nourri l’aimé, rencontré quatre ans avant la sortie du Manifeste du surréalisme, qui signera l’acte de naissance du mouvement, en 1924. Le centenaire de celui-ci, célébré cette année par tant d’expositions et de publications, offre une occasion de porter la lumière sur Simone Kahn. En novembre, une exposition à la galerie Jocelyn Wolff, à Paris, lèvera un peu plus le voile sur les trésors qu’elle a préservés toute sa vie, dans l’appartement familial.

Les frères Sator ont grandi là, entourés des tableaux de Francis Picabia, André Masson, Max Ernst, Yves Tanguy, tous ces peintres que Simone Kahn-Breton-Collinet a défendus dans sa seconde vie, celle de galeriste, après-guerre. S’ils sont désormais à l’abri dans un lieu tenu secret, ils ont longtemps orné le salon et le cabinet de leur mère, Sylvie, psychanalyste. Mais jamais au grand jamais, ils ne se sont fait gloire de ce précieux héritage.

Aussi admirateurs l’un que l’autre de leur grand-mère, les deux frères sont des ayants droit qui se veulent très discrets, au point d’avoir refusé d’être pris en photo pour cette enquête. « Quand j’ai ouvert ma galerie, il y a treize ans, je ne voulais pas que cette histoire de famille influe sur le regard que les gens portaient sur mon travail. Aujourd’hui, la galerie a son identité, c’est différent », explique Vincent Sator, qui a ouvert son commerce d’art dans le Marais, avant de créer un second espace à Romainville, en Seine-Saint-Denis. « Nous avons été éduqués dans la discrétion la plus absolue, poursuit-il. On sait à la fois que c’est un cadeau et que nous n’avons à en tirer ni honneur ni distinction. »

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