Rien ne change au Moyen-Orient ? Rien de rien ? La fin de l’ordre international sapé par les puissances révisionnistes chinoise et russe, lorsqu’il ne s’agit pas d’une destruction orchestrée par les Etats-Unis eux-mêmes, a beau être annoncée et constatée chaque matin, les principales puissances moyen-orientales semblent rester prisonnières à la fois de leur dépendance vis-à-vis des Etats-Unis, qu’illustre un chapelet de bases militaires, et des liens inoxydables de ces derniers avec l’Etat hébreu, quoi qu’il fasse.
La Ligue arabe et l’Organisation de la coopération islamique s’étaient réunies de toute urgence à Doha, lundi 15 septembre, après le bombardement israélien visant les négociateurs du Hamas hébergés par le Qatar. Les pays membres ont été invités à « revoir les relations diplomatiques et économiques avec Israël, et à engager des poursuites à son encontre ». On attend avec impatience la forme que pourrait prendre cette révision.
Cette invitation s’adresse aux pays ayant conclu un traité de paix avec l’Etat hébreu, soit l’Egypte et la Jordanie, exemptées des coupes à la hache pratiquées dans les programmes internationaux d’aides par l’administration de Donald Trump. Elle concerne également les régimes qui ont normalisé leurs relations avec Israël en 2020, dans le cadre des accords d’Abraham : les Emirats arabes unis, Bahreïn, le Maroc et le Soudan, dévasté par une nouvelle guerre civile.
En tournée dans la région, le même jour, le secrétaire d’Etat américain, Marco Rubio, a préféré donner son feu vert, à Jérusalem, à la destruction de ce qui reste de la ville de Gaza, livrée à une offensive israélienne massive. Soit précisément ce que les négociations, auxquelles Doha s’était attelé, devaient tenter de prévenir. Une visite obligée était ensuite au programme au Qatar. Marco Rubio a consacré moins d’une heure aux autorités de l’émirat.
Il y a vingt ans, la principale menace pour les pays arabes venait de l’« arc chiite » patiemment mis en place par Téhéran. Ce dernier avait profité des expérimentations néoconservatrices hasardeuses américaines en Irak pour prendre en écharpe un Moyen-Orient dont le centre de gravité avait glissé vers la péninsule Arabique. Pulvérisé par la campagne de bombardements israéliens post-7-Octobre, cet « arc » a vécu. C’est désormais l’instabilité nourrie par la tentation unilatérale d’une pax hebraica purement sécuritaire qui inspire l’inconfort des puissances arabes, renforcé par l’incertitude concernant le comportement des Etats-Unis.