Parce que le site d’information couvrait de façon souvent favorable le mouvement prodémocratie de 2019, un tribunal de Hongkong a reconnu coupables de « sédition » deux anciens rédacteurs en chef de Stand News, désormais fermé, ainsi que la société éditrice du site, jeudi 29 août.
Les deux anciens rédacteurs en chef, Chung Pui-kuen et Patrick Kam, ont été reconnus coupables par le juge du tribunal du district de Wan Chai, Kwok Wai-kin, de « conspiration en vue de publier et de reproduire des contenus séditieux ». L’entreprise Best Pencil Limited a aussi été reconnue coupable de sédition.
« La ligne adoptée [par Stand News] était de soutenir et de promouvoir l’autonomie locale de Hongkong », a écrit M. Kwok dans son verdict. « Il est même devenu un outil de diffamation et de dénigrement des autorités centrales [Pékin] et du gouvernement de la région administrative spéciale [de Hongkong] », a-t-il ajouté.
MM. Lam et Chung, respectivement âgés de 36 et 54 ans, ont été libérés sous caution dans l’attente d’un jugement complet qui sera rendu le 26 septembre. Ils encourent une peine maximale de deux ans de prison en vertu d’une loi de 1938.
Ce procès pour sédition était le premier à Hongkong concernant des médias depuis que l’ancienne colonie britannique est revenue sous domination chinoise, en 1997. En 2022, cinq auteurs de livres expliquant le mouvement démocratique aux enfants avaient déjà été condamnés pour sédition.
Stand News, un portail d’informations populaire fondé en 2014 et qui couvrait de façon très détaillée et souvent favorable le mouvement prodémocratie de 2019, a fermé en 2021 après une perquisition de la police dans ses locaux, l’arrestation de ses dirigeants et le gel de ses actifs.
Durant ce procès qui a duré près de 60 jours, le parquet a cité comme preuves 17 articles et trois vidéos publiés sur Stand News, dont des interviews de militants prodémocratie. M. Lam n’a pas pu se présenter à l’audience jeudi pour des raisons de santé, mais ses avocats ont accepté que le tribunal se prononce en son absence.
Plus de cent personnes, dont des militants et des journalistes venus couvrir le procès, étaient présentes devant le tribunal. Parmi eux, Lau Yan-hin, ancien salarié de Stand News, a qualifié le procès d’« attaque généralisée » contre les médias. Des représentants de plusieurs consulats – dont ceux des Etats-Unis, du Royaume-Uni, de la France, de l’Union européenne et de l’Australie – ont, en outre, assisté à l’audience.
Le délit de sédition, datant de l’époque coloniale et autrefois tombé en désuétude, est de plus en plus utilisé par la justice de Hongkong pour réprimer la dissidence.
L’espace pour la liberté de la presse « rétrécit » à Hongkong, a réagi l’Union européenne, jeudi après la condamnation des deux journalistes. « Cette décision risque d’entraver l’échange pluraliste d’idées et la libre circulation d’informations, deux pierres angulaires de la réussite économique de Hongkong », ajoute-t-elle, dans un communiqué.
Pour Beh Lih Yi, du Comité pour la protection des journalistes, le recours à cette « législation archaïque (…) rend la justice ridicule ». « La décision d’aujourd’hui est la preuve que Hongkong s’enfonce de plus en plus dans l’autoritarisme et que le fait de ne pas suivre la ligne officielle peut conduire n’importe qui en prison », estime-t-elle.
Cette décision s’inscrit dans un contexte de déclin des libertés de la presse dans l’ex-colonie britannique, qui est passée, en vingt-deux ans, de la 18e à la 135e place au classement de la liberté de la presse publié par l’organisation Reporters sans frontières.