La couturière Lucy Duff Gordon, une lady libre effacée par l’histoire

En arrivant à l’Hôtel Ritz-Carlton, à New York, ce 18 avril 1912, trois jours après le naufrage du Titanic, la couturière Lucy Duff Gordon – réputée pour sa griffe romantique, baptisée Lucile – et son époux, Cosmo, sont accueillis chaleureusement. Dans leur suite, des brassées de fleurs et des vêtements propres ont été préparés. « Au dîner, ce soir-là, tout le monde était très gai et nous avons bu du champagne », rapporte-t-elle dans ses Mémoires (Discretions and Indiscretions, 1932, non traduit). Une parenthèse d’insouciance après l’épreuve. Mais à leur retour à Londres, quelques jours plus tard, les journaux affichent à la une : « Le scandale Duff Gordon ». Les vendeurs à la criée les interpellent sans les reconnaître : « Découvrez l’histoire des lâches du Titanic ! »

Les lecteurs ont déjà appris que le couple est parvenu à s’extraire très tôt du paquebot, dont le naufrage n’en finit pas de fasciner, même cent treize ans plus tard, comme le prouve la sortie, en avril, du documentaire de National Geographic L’Histoire invisible du Titanic. Vers 1 h 15, dans la nuit du 14 au 15 avril 1912, les Duff Gordon montent dans le canot no 1. Ils fuient le navire qui prend l’eau aux côtés de dix autres personnes, dont leur femme de chambre, Laura Mabel Francatelli, surnommée « Miss Franks », sur cette embarcation prévue pour accueillir… quarante individus. « Le bateau des millionnaires », étrillent les tabloïds alors que sont créées deux commissions d’enquête aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne.

L’épisode fameux n’est qu’un des nombreux rebondissements de la vie tumultueuse de Lucy Duff Gordon, l’une des couturières les plus célèbres du début du XXe siècle. Pourtant, alors que 2025 marque le 90e anniversaire de sa mort, qui se souvient de cette pionnière qui faisait « le mieux autorité dans la façon dont le beau sexe doit s’habiller », écrivait le New York Times en 1916 ? Ses plus fameux contemporains, et rivaux, ont droit à des expositions à leur gloire à Paris : Charles Frederick Worth (1825-1895), au Petit Palais, jusqu’au 7 septembre, et Paul Poiret (1879-1944) au Musée des arts décoratifs, à compter du 25 juin. Lucy Duff Gordon, elle, a sombré dans l’oubli.

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