Pour atténuer les angoisses du présent, les jeunes se tournent vers des « époques doudous »

Une fois par mois, à Paris, à l’occasion des soirées Chronologic qui ont lieu au club de la Machine du Moulin Rouge, il est possible de remonter le temps. Le concept ? Tel Marty McFly dans Retour vers le futur, vous êtes invités à vous déhancher sur « les meilleurs tubes dansant de chaque décennie », des années 1950 aux années 2010, pour vivre – selon l’expression des organisateurs – un « jetlag intemporel ». « Cette soirée a le même succès depuis douze ans, elle est toujours complète deux semaines avant », assure Anaïs Condado, programmatrice à la Machine du Moulin Rouge au moment de l’interview. A chaque Chronologic, la liste d’attente s’élève à 1 500 personnes, un record pour le lieu. « Il y a un aspect communion sur le dance floor, on partage avec des inconnus des musiques qu’on connaît tous. Une sorte d’inconscient collectif se met en place. » Présentée comme « la soirée où les Beatles twistent avec Beyoncé », la Chronologic permet de glisser sur les époques aussi simplement que l’on scrolle sur Instagram.

Dans ce même club, d’autres soirées en vogue, plus spécifiques, ambitionnent également de vous offrir un pas de côté par rapport à la grisaille du présent, histoire d’oublier les guerres, le dérèglement climatique et l’effondrement des écosystèmes : la We Are The 90’s et sa petite sœur, la Bug de l’an 2000. Sur la piste se côtoient des trentenaires et quarantenaires nostalgiques, mais pas que. On y trouve aussi de nombreux jeunes, qui n’ont pas directement vécu l’effervescence de ces années-là. Anne-Sophie et Solène (elles n’ont pas souhaité donner leur nom), 22 ans, nées en 2002, sirotent un verre au bar. « Nous, on est plus années 2000. Il y a un degré de folie en plus ! », lance Solène, vêtue d’une tenue au motif panthère, santiags aux pieds. Pour les deux copines, cette thérapie sonique est, en premier lieu, un moyen de s’abstraire de leur quotidien, comme si l’insouciance n’était plus possible aujourd’hui et qu’il fallait en chercher les germes dans d’autres temps.

Le passé est-il devenu un nouveau moyen de réassurance ? Les jeunes générations se réfugient-elles dans des « époques doudous » pour mieux oublier les crises multiples qui saturent leur horizon ? Pour le psychanalyste Michael Stora, il s’agit d’une « stratégie d’évitement face à une société très anxiogène ». Il est clair qu’en France un fort sentiment de déclassement parcourt l’opinion. D’après une étude Ipsos-Sopra Steria de 2023, 70 % des moins de 35 ans estiment que « c’était mieux avant ». Alors on s’injecte des doses de passé. Sur TikTok, les archives de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) comptent plus de 500 000 abonnés. Depuis qu’elle a effectué un virage programmatique vers les années 1980, Nostalgie est devenue la deuxième radio musicale de France, séduisant un large public jeune.

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