« A la Maison Blanche, Trump n’est que le dernier des fossoyeurs de l’“ordre libéral international” »

Un court instant, les années Joe Biden nous auront permis de rêver. La pax americana n’était pas tout à fait morte. En politique étrangère, le président reprenait des chemins familiers. Ainsi, l’Amérique chérissait toujours ses alliances, en Europe comme en Asie-Pacifique. Elle croyait encore que la promotion de la démocratie était conforme à sa « destinée historique » et à ses intérêts stratégiques et économiques – heureuse concordance.

On repartait donc « comme avant ». Au nom de la défense de l’« ordre libéral international », on allait s’opposer à l’expansionnisme de Moscou en Europe et à l’impérialisme de Pékin dans la zone Pacifique. C’est à ce prix que les Etats-Unis conserveraient leur prépondérance sur les affaires du monde – ce que le président russe, Vladimir Poutine, et son homologue chinois, Xi Jinping, qualifient, à tort, d’« hégémonie occidentale ».

Avançons une autre interprétation. La deuxième élection de Donald Trump ramène le mandat de Biden au statut de parenthèse. Une courte rémission. La tendance lourde, c’est Trump, pas le retour aux espoirs du début des années 1990 qu’a pu incarner l’élégant octogénaire démocrate. Les électeurs adhèrent au discours trumpiste : méfiance à l’égard des alliés (qui profiteraient à bas prix de la protection américaine) ; respect pour les autres superpuissances ; indifférence à l’état de la démocratie dans le monde ; défiance à l’adresse de l’Organisation des Nations unies et de tous les machins multilatéralistes dont les Etats-Unis sont les principaux contributeurs sans rien recevoir en retour.

Ross Douthat, l’un des commentateurs du New York Times, écrivait dans l’édition du 16 novembre : « Irrévocablement, nous sommes en train de passer d’une époque à une autre. » Biden ne fut qu’une tentative de « restauration », elle sera sans lendemain, poursuit-il dans le quotidien new-yorkais. L’Amérique réévalue la vision du monde qu’elle a peu ou prou entretenue depuis 1945 et, plus encore, depuis la fin de la guerre froide. Pourquoi ?

Dans le cocktail des raisons de fond le plus souvent évoquées figure, bien sûr, et en composante majeure, l’émergence de la Chine en tant que concurrent global des Etats-Unis. Ce bouleversement, favorisé par une globalisation économique voulue par Washington, en annonçait d’autres : l’avènement de moyennes puissances (Inde et Brésil, notamment) et le retour en force d’une Russie incapable d’imaginer son avenir à l’intérieur de ses frontières. Mais la régression trumpiste en politique étrangère a des origines composites : aux causes extérieures se mêlent des évolutions survenues sur la scène intérieure.

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