« Le retrait des troupes françaises au Sahel pourrait permettre un repositionnement des intérêts économiques »

Le président du Nigeria, Bola Tinubu, a beau avoir 72 ans, on aime le voir à Paris comme une figure du renouveau. Le visage d’un partenariat avec le continent africain fondé sur l’économie plutôt que les aspects politico-sécuritaires. Sa visite d’Etat fin novembre, en compagnie d’un aréopage d’hommes d’affaires, devait illustrer ce changement de logiciel prôné par l’Elysée.

Las, le raout a été largement éclipsé par la fin des accords de défense entre la France et le Tchad, annoncée au même moment, et sans préavis, par N’Djamena. Après les retraits forcés des troupes françaises au Mali, au Burkina Faso et au Niger, cette rupture unilatérale sonne comme un rappel de la perte d’influence de la France sur le continent. Un recul diplomatique et militaire qui va de pair, quoi que plaide Paris, avec un inexorable déclin commercial.

Les parts françaises du marché au sud du Sahara ont été divisées par deux en vingt ans. De 7 % en 2005, elles atteignaient seulement 3,2 % en 2023. La chute est particulièrement marquée dans certaines anciennes colonies, comme au Sénégal où les entreprises hexagonales ont perdu 12 points depuis 2006. Les exportations augmentent en volume, mais beaucoup moins que la taille du marché africain. En face, les sociétés chinoises, turques ou indiennes ne cessent de gagner du terrain.

Quelles leçons en tirer ? D’abord, ne pas céder au fatalisme. Les statistiques douanières traduisent imparfaitement la réalité de la présence de la France qui, en capital accumulé, reste le deuxième investisseur en Afrique, derrière le Royaume-Uni. D’Orange à Danone, en passant par le fonds d’infrastructures Meridiam, de grands groupes ont des positions bien établies. Et développent des stratégies de croissance, comme en témoigne le rachat par Canal+ de l’opérateur audiovisuel sud-africain MultiChoice.

Mais, dans le même temps, des départs frappent les esprits. Celui des banques tricolores, par exemple, qui désertent les unes après les autres. Même la Société générale, longtemps si fière de son empreinte africaine, cède toutes ses filiales depuis un an et demi. En flux, les investissements français en Afrique sont d’ailleurs en baisse continue depuis plusieurs années.

Les opérateurs français sont-ils trop frileux ? A l’évidence, l’emballement manifesté durant les années où les taux de croissance étaient élevés (5 % en moyenne en Afrique subsaharienne entre 2004 et 2014) est retombé. L’époque est davantage marquée par l’instabilité politique et monétaire, et le retour des risques de surendettement. Les fondamentaux s’améliorent plus lentement que prévu et la formation d’une classe moyenne tarde à se concrétiser.

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