Corée du Sud : bras de fer au Parlement autour de la motion de destitution visant Yoon Suk Yeol

L’étau se resserre autour du président conservateur sud-coréen Yoon Suk Yeol. Visé par une motion de destitution qui doit être mise au vote samedi au Parlement, le président conservateur sud-coréen est aussi visé, depuis jeudi 5 décembre, par une enquête policière pour « rébellion ».

Six partis d’opposition ont déposé mercredi cette motion, accusant le dirigeant d’avoir « gravement violé la Constitution et la loi ». Elle sera soumise au vote samedi à 19 heures (11 heures à Paris), selon l’agence de presse Yonhap. L’opposition dispose au total de 192 sièges sur 300 à l’Assemblée nationale, les 108 autres députés appartenant au Parti du pouvoir populaire (PPP) conservateur de M. Yoon.

La motion doit être adoptée à une majorité des deux tiers. Si elle l’est, M. Yoon sera suspendu de ses fonctions dans l’attente d’une confirmation de sa destitution par la Cour constitutionnelle. Si les juges donnent leur aval, il quittera le pouvoir et une nouvelle élection présidentielle devra être organisée sous soixante jours. Mais pour être adoptée, l’opposition doit miser sur la défection d’au moins huit députés du parti présidentiel.

Jeudi, le chef de file du PPP au Parlement, Choo Kyung-ho, a affirmé que sa formation voterait contre. « L’ensemble des 108 députés du Parti du pouvoir populaire resteront unis pour rejeter la destitution du président », a-t-il dit à la presse. M. Choo a toutefois ajouté qu’il avait demandé à M. Yoon de quitter le parti. Le PPP « n’est pas en train d’essayer de défendre la loi martiale inconstitutionnelle du président », a-t-il assuré.

Dans une interview à Bloomberg, le chef du Parti démocrate, Lee Jae-myung, estime qu’il sera difficile de destituer le président : « Même si de nombreux députés du parti au pouvoir en ont l’intention, ils devraient aller à l’encontre de la ligne du parti, ce qui les met dans une situation quelque peu difficile », a-t-il résumé. Selon un sondage publié mercredi par l’agence Realmeter, plus de sept Sud-Coréens sur dix (73,6 %) soutiennent la demande de destitution, contre 24 % qui s’y déclarent opposés et 2,4 % sans opinion.

Le Parti démocrate, principale force d’opposition, a annoncé le dépôt d’une plainte contre le président pour « rébellion », un crime théoriquement passible de la peine de mort, qui n’est plus appliquée en Corée du Sud depuis 1997. Jeudi, un haut responsable de la police, Woo Kong-suu, a confirmé devant les députés qu’une enquête avait été ouverte contre M. Yoon pour ce chef d’accusation.

M. Yoon n’est pas apparu en public depuis son dernier discours à la télévision nationale, mercredi à l’aube, pour annoncer la levée de la loi martiale qu’il avait décrétée la veille au soir. Son secrétariat a déclaré qu’il ne s’exprimerait pas jeudi. Mercredi, des milliers de Sud-Coréens ont manifesté à Séoul pour réclamer le départ du président. D’autres rassemblements sont prévus jeudi.

En revanche, jeudi a été annoncée la démission du ministre de la défense, Kim Yong-hyun. La justice lui a interdit les déplacements à l’étranger en raison du rôle qu’il a joué dans la tentative de coup de force du président Yoon. Il est remplacé par Choi Byung-hyuk, un général à la retraite qui est l’ambassadeur de Corée du Sud en Arabie saoudite. Mais les autres proches du président, dont le ministre de l’intérieur Lee Sang-min, restent à leur poste.

Dans un contexte de difficultés à adopter le budget 2025, le président avait justifié son coup de force de mardi en disant vouloir « éliminer les éléments hostiles à l’Etat » et « protéger la Corée du Sud libérale des menaces posées par les forces communistes nord-coréennes ».

M. Yoon, élu de justesse en 2022 et qui n’a jamais disposé de majorité au Parlement, avait accusé une « dictature législative » et accusé les élus de l’opposition de bloquer « tous les budgets essentiels aux fonctions premières de la nation ».

Malgré le bouclage de l’Assemblée nationale par des centaines de militaires et de policiers, 190 députés ont réussi à se faufiler dans le bâtiment dans la nuit de mardi à mercredi, parfois en escaladant les clôtures, et à tenir une séance extraordinaire.

Ils ont voté à l’unanimité une motion réclamant la levée de la loi martiale, pendant que leurs assistants empêchaient les soldats de pénétrer dans l’hémicycle en barricadant les portes à l’aide de sofas et de tous les meubles qui leur tombaient sous la main. Le président a finalement cédé à la pression, a abrogé la loi martiale mercredi à l’aube, et a ordonné aux troupes de retourner dans leurs casernes. Mais il n’a pas démissionné.

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