Paul Magnette : « La règle du jeu politique française rend très difficile la démocratie parlementaire »

Chercheur en science politique, professeur de théorie politique à l’Université libre de Bruxelles, Paul Magnette est également président du Parti socialiste de Belgique, pays doté d’un régime parlementaire « classique ». Pour Le Monde, il analyse l’apprentissage difficile de la démocratie parlementaire en France.

La principale difficulté tient au décalage entre la règle du jeu, qui est, en France, fondamentalement majoritaire et centrée sur le moment de l’élection présidentielle, et les nécessités imposées par la nouvelle situation politique. Cette règle du jeu ne favorise pas les prérequis d’un bon fonctionnement d’une démocratie parlementaire : une faible personnification du pouvoir, des partis importants qui reposent sur un travail collectif, une culture de la négociation, la recherche de majorités qui dépassent les blocs politiques…

En France, le système majoritaire à deux tours, que ce soit pour l’élection du président, pour celle des députés, ou celle des élus locaux, génère une culture à l’antithèse de celle du compromis parlementaire.

Cette élection est tellement dominante, les pouvoirs du président sont tellement forts que tous n’ont que cette échéance en tête. Les partis apparaissent de plus en plus comme des écuries au profit d’une personne, et non plus comme les émanations d’une vision du monde ou de groupements d’intérêts qui cherchent à influencer l’action publique. Ces partis sont moins stables dans le temps, moins enracinés dans le corps social, ce qui rend compliqué un fonctionnement parlementaire normal.

Déjà, il n’y aurait pas eu de dissolution.

Certes. Mais quand elle est utilisée, c’est pour résoudre une situation de blocage et elle repose, en règle générale, sur un consensus des partis. Elle ne relève pas du fait du prince. L’esprit gaullien de la Ve République, avec un président élu au suffrage direct qui essaie de s’inscrire dans une forme de relation directe avec la population, en passant au-dessus des partis, s’accorde mal avec la logique de la vie parlementaire et la formation de coalitions.

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