Louis Burton a tout tenté avant de renoncer, « la mort dans l’âme ». Aux petites heures du matin, jeudi 5 décembre, il a annoncé à son équipe technique et à la direction de course de la 10e édition du Vendée Globe que l’avarie d’un élément mécanique du gréement, qu’il leur avait signalée la veille, à la mi-journée, ne lui permettait plus de manœuvrer son foileur Imoca (monocoque volant de 18,28 m) en sécurité, dans les mers du Sud.
Spécialiste des réparations d’envergure, le skipper de 39 ans d’origine parisienne, basé à Saint-Malo, pointait en 16e position (sur 39) au moment de l’incident. Il s’est creusé les méninges pendant dix heures avant de résoudre à faire route vers Cape Town (Afrique du Sud), qu’il devrait atteindre d’ici vendredi 6 décembre, dans la soirée.
Troisième de l’édition précédente de ce tour du monde en solitaire, sans escale et sans assistance, après avoir réussi, en 2021, une réparation des plus complexes en tête de mât aux abords de l’île Macquarie, au sud de la Nouvelle-Zélande, Louis Burton avait, de nouveau, démontré sa détermination et son ingéniosité en début de course.
Le 16 novembre, alors qu’il naviguait dans le top 10, il avait entendu « un grand crac » à l’avant de sa monture (Bureau Vallée), et constaté, sur le pont, la présence de fissures susceptibles d’affecter l’intégrité structurelle du bateau, donc sa propre sécurité.
« Le bateau est bien endommagé mais je ne veux pas me résoudre à abandonner. Il y a trop d’enjeux sur cette course, je pense que je vais réparer, je vais faire ça en mer. Il y a trop de gens qui suivent le projet. On va tout faire pour continuer ! », avait-il déclaré dès le lendemain.
Pendant des heures, en pleine mer, au large du Sahara occidental, dans le sud-ouest de l’archipel des Canaries, Burton avait poncé, meulé et collé des pièces en carbone pour sécuriser l’intérieur et l’extérieur de son bateau avec une idée fixe : revenir dans le match.
« Physiquement, je suis en pleine forme, j’ai juste une petite charge mentale en plus, celle de rentrer dans le Grand Sud avec un bateau réparé. Mais j’observe plusieurs fois par jour la solidité des réparations, même quand ça bastonne. A priori, rien à dire, on y va confiant ! », rassurait-il, mardi 3 décembre, en doublant le cap de Bonne Espérance, premier des trois caps – avec Leeuwin (Australie) et Horn (Chili) – jalonnant cette circumnavigation de 45 000 km.
« Je suis content de rentrer dans les mers du Sud, et à la fois, j’ai eu un petit moment de déprime. Ça fait toujours un peu bizarre de quitter les océans à peu près civilisés pour rentrer dans ce superbe océan austral mais qui peut être violent et difficile à vivre. Il faut s’habituer à rentrer en mode Grand Sud. On sort le matos, il fait froid là ! », ajoutait l’époux et père des deux enfants de la coureuse au large Servane Escoffier, avec laquelle il a fondé l’écurie BE Racing, alors que l’attendait un mois de navigation dans les eaux démontées et les vents redoutables des océans Indien et Pacifique Sud.
« Même si on l’a fait plusieurs fois, on part toujours pour un Vendée Globe avec la sensation d’un plongeon dans l’inconnu », avait expliqué Louis Burton au Monde juste, avant le départ de son quatrième tour du monde en solitaire sans escale et sans assistance. Sans faire mystère de ses ambitions.
« J’ai une très, très grosse envie de monter sur le podium, comme la dernière fois. Depuis, que je suis dans cette aventure [le Vendée Globe], j’ai progressé à chaque édition ; on a fait abandon (sur collision en 2012-2013), 7e (2016-2017) et 3e (2020-2021), donc ce serait bien de rester dans le même train. Je n’ai pas un bateau de dernière génération mais il reste très performant et on a fait un énorme travail dessus, donc, si on ne s’est pas trompé sur le positionnement du curseur aux différentes allures, ça peut marcher, même si les deux premières places du podium sont évidemment très dures à aller chercher ».
Après celui de Maxime Sorel (V and B-Monbana-Mayenne), blessé à une cheville, le 15 novembre, ce deuxième renoncement réduit la flotte des 40 monocoques partis des Sables-d’Olonne (Vendée), le 10 novembre, à 38 unités : soit 23 foileurs – équipés d’appendices latéraux leur permettant de se sustenter pour voler sur l’eau – et 15 bateaux à dérives droites.
Jeudi 5 décembre, à la mi-journée, Charlie Dalin (Macif Santé Prévoyance) affichait une avance d’un peu plus de 80 milles (environ 130 km) sur Sébastien Simon (Groupe Dubreuil), alors que le duo progressait sur la route la plus sud de la flotte, au large des îles Kerguelen, dans des vagues allant jusqu’à sept mètres et un vent établi à 35 nœuds (65 km/h) avec des rafales à plus de 50 nœuds (plus de 90 km/h). Troisième à plus de 430 milles de Dalin, Yoann Richomme (Paprec-Arkéa) et les autres poursuivants ont opté, ces derniers jours, pour une route au nord-est afin d’esquiver le cœur de la tempête.