« Le film “En fanfare”, naviguant entre art et essai et grand public, fait un bien fou au moral »

En fanfare, d’Emmanuel Courcol, est une divine surprise de cette fin d’année 2024. Le film fait un bien fou au moral, remporte un gros succès depuis dix jours, navigue entre art et essai et grand public, comédie et tragédie, décrit les rituels d’un orchestre symphonique comme d’une harmonie, confirme que la musique cristallise la société et que le milieu social détermine les goûts. Il présente beaucoup d’atouts – et le fait de refroidir quelques illusions n’est pas le moindre.

Thibaut (Benjamin Lavernhe), chef d’orchestre star et mondialisé, découvre qu’il a un frère, Jimmy (Pierre Lottin), employé de cantine dans une petite ville du Nord et tromboniste dans une fanfare. Tout les oppose sauf la musique, figurant dans leur capital génétique. Ils se révèlent complémentaires, et même indispensables l’un à l’autre, construisant des ponts tout en restant chacun sur sa rive.

Un miracle du film est que les ponts existent en parallèle dans la vraie vie. On imaginait cette fable de classe plaire bien plus au public qu’à la critique ; eh bien non. On la voyait se faire démolir par les journalistes arty ; non encore. Ce ne sont pas de minces exploits, le film étant porté par un fluide protecteur. Beaucoup de spectateurs applaudissent à la fin, les réseaux sociaux en rajoutent, les notes sur Allociné tutoient les sommets.

En fanfare a réalisé près de 365 000 entrées la première semaine. On lui en promet deux millions en fin de carrière, ce qui est excellent sans être exceptionnel. La raison vaut surprise. Le film cartonne à Paris ou à Lyon, moins dans les petites villes. Il marche mieux dans les salles art et essai que dans les circuits. Il attire plus des spectateurs CSP+ que des employés. On voyait dans le public les amateurs d’harmonie écraser les mélomanes de la Philharmonie de Paris, d’autant que 280 avant-premières ont été animées par des fanfares. Non, encore.

Penchons-nous alors sur les musiques qu’on y entend. Dalida, des pots-pourris de fanfare, le Concerto pour piano n° 23, de Mozart, le morceau de jazz I remember Clifford, du saxophoniste Benny Golson, Aïda, de Verdi, Les Hébrides, de Mendelssohn, ou une œuvre de musique contemporaine de Michel Petrossian.

Il ne s’agit pas de fonds sonores. Ces musiques participent du scénario et de la dramaturgie, ce qui est rare au cinéma. Elles sonnent aussi juste que les dialogues et gestes qui les commentent, évitant une avalanche de clichés, par exemple le chef d’orchestre en gourou tourmenté et arrogant, agitant les bras dans tous les sens.

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