Face à la rangée de micros disposés sur la table d’une salle de réunion du tribunal judiciaire de Marseille, Nicolas Bessone affiche la mine grave qui sied aux circonstances. Samedi 7 décembre, flanqué de Philippe Frizon, chef du service interdépartemental de la police judiciaire des Bouches-du-Rhône, et du colonel Sébastien Constant, patron de la section de recherches de l’Hérault, le procureur de la République à Marseille égrène le bilan de deux importantes opérations menées contre la DZ Mafia.
En l’espace d’une quinzaine de jours, entre le 18 novembre et le 2 décembre, 44 personnes ont été mises en examen, 31 placées en détention provisoire et 13 sous contrôle judiciaire dans ces dossiers qui témoignent, chacun à leur mesure, du pouvoir criminel exercé par cette organisation et de l’évolution de ses pratiques.
Une première information judiciaire, ouverte le 22 août, vise des faits d’extorsion, de tentative d’assassinat, de destruction en bande organisée au préjudice du gérant du First, une discothèque de Cabriès (Bouches-du-Rhône), par ailleurs propriétaire d’une franchise de l’enseigne Subway. Pendant plusieurs mois, les criminels vont déployer le répertoire complet de l’extorsion, apanage des voyous à l’ancienne. L’entrepreneur est d’abord sommé de se défaire des vigiles officiant au First afin d’embaucher un nouveau service de sécurité. Devant son refus, « une pression très forte et permanente » s’installe : « tirs à l’arme de guerre, menaces, violences sur le service de sécurité, incendie du Subway », détaille le procureur de Marseille.
Puis, via une messagerie cryptée, les criminels exigent qu’il ait désormais recours à leur propre « booker », chargé de superviser les prestations d’artistes dans les boîtes de nuit moyennant commission. Après lui avoir imposé de résilier le contrat de location-gérance de sa discothèque, ils le mettent enfin « à l’amende » : il devra leur verser 300 000 euros. Le gérant de la discothèque quitte la région marseillaise mais verse un écot : plusieurs remises de 10 000 euros ont été constatées.
Le 18 novembre, « après une enquête minutieuse », 22 personnes, « commanditaires ou récupérateurs d’enveloppe », sont interpellées. Quinze sont incarcérées, sept placées sous contrôle judiciaire. L’enquête judiciaire permet de déterminer, parmi les organisateurs de ce « racket traditionnel », trois détenus de la prison du Pontet (Avignon) et « une personne détenue aux Baumettes (à Marseille) et considérée comme l’un des dirigeants de la DZ Mafia ». Sans jamais être nommé au cours de la conférence de presse, c’est bien l’ombre de ce dernier, un certain Gaby O., qui plane sur les deux dossiers.