En cette deuxième semaine de la rentrée littéraire d’hiver, « Le Monde des livres » vous invite à vous plonger dans le nouveau roman de Sabri Louatah, empli d’étranges apparitions et de non moins étranges disparitions ; dans un livre collectif qui retrace un demi-siècle d’avancées du droit à l’IVG, alors qu’on célèbre les 50 ans de la loi Veil ; dans le nouveau roman de l’Américaine Rachel Kushner, autour d’une communauté radicale du sud-ouest de la France… ; dans le roman de l’Israélienne Orly Castel-Bloom, sis à Tel-Aviv, métropole prosaïque et sans concession ; et enfin dans le deuxième roman de Vidya Narine, bien plus que la quête des origines de cette descendante de Vietnamiens.
ROMAN. « Safari », de Sabri Louatah
Dans la serre tropicale du jardin botanique de Chicago, le narrateur de Safari, écrivain français installé aux Etats-Unis, perd de vue Elliott, son fils de 4 ans. La scène ouvre le nouveau roman de Sabri Louatah – auteur qui s’est fait connaître avec sa tétralogie Les Sauvages (Flammarion-Versilio, 2012-2016). Le père, terrifié par la disparition subite de son fils, perd connaissance. Mais une voix étrangement familière le ramène à lui. Elle appartient à Gabriel, le jeune homme qui a retrouvé l’enfant. Cette voix sidère le narrateur : elle est en tous points similaire à celle de son père. Or, ce dernier s’est volatilisé sans laisser de traces vingt ans plus tôt.
Très rapidement, ce « sosie vocal » devient une obsession. Et, chose inquiétante, il semble toujours être sur le chemin du narrateur. Ainsi, quelques semaines après l’épisode du jardin botanique, il le retrouve au Musée des beaux-arts devant les toiles de son peintre favori, artiste ayant conçu, avant de s’évanouir lui-même dans la nature, une série de tableaux représentant des paysages d’où les êtres semblent avoir disparu.
Dans ce roman existentiel aux phrases limpides se succèdent sans cesse disparitions et réapparitions. Un subtil maillage narratif les relie pour venir questionner l’amour, la paternité, la mort. L’écrivain sonde les trous noirs qui nous habitent et autour desquels on noue d’épaisses cordes de rêve. Mais, nous dit-il, la prolifération des fictions, quand elle devient trop forte, impose ses secousses au réel. Alors, on peut soit flancher et tomber de l’autre côté de la raison, soit, à l’instar de Sabri Louatah, écrire un livre splendide et inquiétant comme un orage sur la mer. L. Hu.