Ce n’est pas parce que vous donnez à une nouvelle institution le nom du plus haut magistrat de la République de Venise qu’elle est forcément sérieuse. « On ne parlera plus d’eux cet été », pronostique Michael Lind, professeur à l’université du Texas, à Austin.
Le « DOGE », ou Department of Government Efficiency (département de l’efficacité gouvernementale), cette mission confiée aux milliardaires Elon Musk et Vivek Ramaswamy en vue de réduire la taille de l’administration fédérale, a en tout cas bien mal débuté. D’abord, on a appris, le 20 janvier, la démission d’un des deux duettistes, Vivek Ramaswamy. Officiellement, pour concourir au poste de gouverneur de l’Ohio en 2026. Officieusement, parce qu’Elon Musk en avait marre de cet entrepreneur de la biotech. Les esprits sarcastiques ont salué cette « première coupe budgétaire ».
Ensuite, le DOGE fait déjà l’objet d’une plainte collective d’organisations non gouvernementales pour non-respect des principes régissant de telles commissions, énumérés dans une loi fédérale (une composition équilibrée, une charte claire, des réunions ouvertes au public, des documents consultables…).
Surtout, on ne voit pas bien comment Elon Musk réussira à économiser, comme il l’a promis, 1 000 milliards de dollars, soit un sixième du budget fédéral (il est vrai qu’il était parti de 2 000 milliards !). Ce n’est pas en bourrant les services d’algorithmes de gestion qu’il y parviendra. Réformer l’Etat n’est pas réorganiser une chaîne de production de Tesla. C’est un long travail, très politique, qui ne s’improvise pas.
Or la méthode Musk n’a pas l’air très réfléchie : « Tirez dans toutes les directions, vous toucherez bien une cible », a déclaré le milliardaire lors d’un meeting. Le département de l’efficacité gouvernementale ne promet pas une efficacité démesurée.
Donald Trump n’est pas le premier à avoir eu l’idée de créer un tel comité « de la hache ». Theodore Roosevelt en 1905 (qui avait lui aussi confié cette tâche à un ultrariche, Charles Keep), William Taft en 1910, Franklin D. Roosevelt en 1936, Harry Truman en 1947 s’y sont essayés. A chaque fois, ils se sont heurtés au Congrès, qui a jeté une bonne partie de leur production à la poubelle. Nul doute que celui-ci saura aussi calmer le club des milliardaires tronçonneurs. Devant se faire réélire tous les deux ans, les membres de la Chambre des représentants sont très sensibles aux coupes claires. Or, celles-ci sont impossibles à réaliser sans casse sociale – et donc électorale.