Si l’on tenait la conversion de Hollywood au « wokisme » pour une inflexion radicale des méthodes de l’industrie du divertissement, la succession d’apostasies qui a précédé et suivi l’avènement de Donald Trump remet cet épisode à sa place. Depuis la première guerre mondiale et l’effondrement des cinémas européens qu’elle entraîna permettant au cinéma américain de s’imposer sur le marché planétaire de la fiction, les studios californiens ont toujours su faire preuve de la souplesse idéologique et politique nécessaire à la préservation de leurs intérêts économiques.
L’une des manifestations les plus commentées de ce réalignement hollywoodien – la réécriture de l’avertissement précédant les premiers longs-métrages de Walt Disney sur la plateforme qui porte son nom – n’est que le dernier épisode d’une longue et peu glorieuse histoire.
Pour mémoire, d’octobre 2020 à février 2025, on pouvait lire avant de voir Dumbo, par exemple : « Ce programme comprend des représentations et/ou des mauvais traitements de peuples et de cultures. Ces stéréotypes étaient alors erronés et le sont encore aujourd’hui. Plutôt que de retirer ce contenu, nous voulons reconnaître son impact négatif, en tirer les leçons et susciter une conversation afin de créer ensemble un futur plus inclusif. » Depuis la prestation de serment de Donald Trump, on se contentera de la formulation : « Ce programme est présenté tel qu’il a été créé et peut contenir des stéréotypes et des représentations négatives. »
Pour reprendre l’exemple de l’éléphant aux grandes oreilles, les stéréotypes concernent l’équipe chargée d’ériger le chapiteau du cirque sous lequel se produit Dumbo. La séquence est admirable : des silhouettes noires se détachent sur un ciel d’orage et chantent, sur un air qui pastiche les chants de travail afro-américains : « Nous n’avons pas appris à lire ou à écrire/nous sommes les joyeux débardeurs » ou « nous ne savons pas quand nous serons payés/et quand nous serons payés, nous jetterons tout par la fenêtre ».