« Un débat sur la nature génocidaire du fait colonial existe parmi les historiens »

Comparer la conquête française de l’Algérie au massacre des nazis à Oradour-sur-Glane [Haute-Vienne] a, semble-t-il, choqué l’opinion. L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique a été saisie. Et pour avoir osé ce rapprochement, le journaliste de RTL Jean-Michel Aphatie s’est vu temporairement suspendu d’antenne. De manière étonnante, les « enfumades » des généraux Eugène Cavaignac, Thomas Robert Bugeaud et Aimable Pélissier, auxquelles pensait probablement le chroniqueur, semblent être ignorées de ses détracteurs.

Ces massacres par asphyxie de milliers d’Algériens réfugiés dans des grottes sont pourtant relatés dans de très nombreux ouvrages et ressortent régulièrement dans la presse quand les relations franco-algériennes se tendent. A l’époque déjà, les enfumades de Dahra (18 juin 1845), qui firent au moins 700 victimes, suscitèrent un grand scandale. La presse s’indigna, le journaliste Victor Considérant parlant même de « guerre d’extermination » dans son hebdomadaire La Démocratie pacifique. Interpellé à la Chambre des pairs, le ministre de la guerre fut obligé de désavouer le général Pélissier.

Ces crimes bien connus ne sont qu’un aspect de la violence qui s’est exercée au milieu du XIXe siècle sur les populations algériennes. Dans A History of Violence in the Early Algerian Colony [« une histoire de la violence aux débuts de la colonie algérienne », Palgrave Macmillan, 2013, non traduit], l’historien britannique William Gallois en a exploré la dimension environnementale en proposant une histoire des « razzias » opérées par les troupes françaises.

L’utilisation par le général Bugeaud du terme « razzia », emprunté à la langue arabe, permettait de justifier la violence coloniale comme mimétique, accréditant l’idée que les pratiques militaires françaises ne faisaient que refléter des pratiques locales. En réalité, les razzias théorisées par Thomas Robert Bugeaud n’ont rien à voir avec les raids traditionnels. Les archives militaires rapportent des destructions systématiques de vergers, des villages incendiés, des greniers à blé vidés. Les troupeaux sont particulièrement visés pour saper l’assise des sociétés pastorales et fournir en outre un butin complétant la solde de troupes mal payées. Entre 1840 et 1843, les Français auraient capturé au moins de 170 000 têtes de bétail.

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