Vigneron-négociant à Tain-l’Hermitage (Drôme), Michel Chapoutier, 61 ans, est à la tête d’un groupe viticole international commercialisant 9 millions de bouteilles (dont 70 % de rouges, 25 % de blancs et 5 % de rosés) pour un chiffre d’affaires de 70 millions d’euros. Connue, entre autres, pour ses grands hermitages, cette figure des côtes-du-rhône a récemment lancé, en vin de France, Rouge clair, titrant 11,5 degrés, à déguster, conseille-t-il, entre 8 et 10 degrés.
« Nous vivons plus une crise de sous-consommation de rouge que de surproduction. Nous avons fait l’erreur historique de mettre ces vins dans un carcan de snobisme avec des critères de qualité trop souvent déterminés par un haut degré d’alcool et une forte concentration. Au point d’avoir presque besoin d’un couteau et d’une fourchette pour les déguster, alors que, dans le même temps, apparaissait une génération de jeunes consommateurs élevés aux boissons sortant du frigo.
Les appellations n’ont longtemps fonctionné que sur le principe du marketing de l’offre, où l’on expliquait le vin pour le faire comprendre et aimer. Cela a pu fonctionner pour les grands crus, mais c’est plus problématique pour des appellations régionales dont les productions, aux volumes énormes, auraient dû s’adapter au désir du consommateur, y compris dans la communication.
Il y a cinq ou six ans, j’ai voulu lancer un côtes-du-rhône clair, persuadé que les rosés allaient s’essouffler et que des rouges légers prendraient leur place. La réponse du syndicat des vignerons de côtes-du-rhône était d’augmenter le degré d’alcool d’un degré et d’un point l’intensité colorante dans le cahier des charges de l’appellation. Le contraire de ce que je proposais.
Je viens finalement de produire ce Rouge clair en dénomination vin de France, qui offre plus de liberté. Je le produis avec des viticulteurs de la montagne Noire, dans la plaine de Carcassonne, une région sinistrée, où les vignerons sont motivés pour tenter de nouvelles expériences. Nous le faisons dans leur cave coopérative, cela permet de garder un prix compétitif [autour de 9 euros] pour de jeunes consommateurs.
Le danger serait de produire des vins légers, mais trop techniques et uniformisés, sur le simple critère du fruit et du faible niveau d’alcool. Il faut arriver à conserver les particularismes des terroirs. Ces vins faciles peuvent être une bonne porte d’entrée pour découvrir ensuite des vins plus complexes. Pour l’instant, c’est comme si nous faisions du disco, avant de nous mettre à l’opérette, puis au lyrique. »