La « géo-économie », ou quand « les méthodes du commerce supplantent les méthodes militaires »

Histoire d’une notion. Les droits de douane de Donald Trump ; ses visées sur le canal de Panama ou le Groenland ; les manœuvres en mer de Chine ; le bras de fer sur les semi-conducteurs ; les sanctions contre la Russie ; l’affirmation de la puissance des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft)… tout indique que la géo-économie est de retour.

On appelle ainsi l’utilisation par des acteurs, généralement étatiques, de mécanismes économiques en vue de renforcer leur puissance. Depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche en janvier, le mot géo-économie bourgeonne dans les colloques et dans les médias. « Bienvenue dans le nouvel âge de la géo-économie », claironnait ainsi, en mai, le quotidien économique britannique Financial Times.

C’est au tout début des années 1990 que la notion de géo-économie prend son essor. Alors que l’URSS vacille puis s’effondre, on cherche alors de nouveaux concepts pour décrire le monde. Le temps des conflits et des conquêtes de territoires semble révolu : place au « nouvel ordre mondial » (terme du président des Etats-Unis de l’époque, George Bush), au « soft power » (du géopolitologue américain Joseph Nye), à la « fin de l’histoire » (du chercheur américain Francis Fukuyama).

Dans un article publié par la revue américaine The National Interest à l’été 1990 (« From Geopolitics to Geo-Economics : Logic of Conflict, Grammar of Commerce »), un spécialiste de stratégie et d’histoire militaire, Edward Luttwak, défend l’idée que « les méthodes du commerce sont en train de supplanter les méthodes militaires – avec, en guise d’arme, le capital ». Il baptise le phénomène « géo-économie ». C’est bien vu : nous sommes à l’orée de la mondialisation, et il va être question pendant vingt ans d’échanges, de délocalisations, d’Organisation mondiale du commerce, de plans d’ajustement structurel et, côté chinois, de « nouvelles routes de la soie ».

En France, le flambeau est repris par un économiste et politiste, Pascal Lorot. Il constate que la guerre froide, en se retirant telle la mer, a rendu visibles les rivalités entre pays alliés : espionnage industriel, pillage des savoir-faire technologiques, concurrence fiscale, manipulation de la monnaie, soutiens aux « champions nationaux »…

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