C’est l’été de tous les succès pour Meryll Rogge : après avoir gagné le prix de l’Association nationale pour le développement des arts de la mode (Andam) pour la marque qui porte son nom, le 30 juin, la créatrice belge de 40 ans a été nommée directrice artistique de Marni, le 15 juillet.

Meryll Rogge est peu connue du grand public, mais a fini par s’imposer dans le milieu. Après avoir étudié le droit, puis la mode à l’Académie royale des beaux-arts d’Anvers, elle a travaillé six ans à New York pour Marc Jacobs, a piloté pendant près de quatre ans les collections femme de Dries Van Noten, avec qui elle a aussi lancé l’offre parfum et beauté. A 35 ans, elle a éprouvé le besoin de se lancer à son compte, tout en continuant de travailler ponctuellement pour d’autres maisons. Elle a lancé en 2020 sa marque, qui défile officiellement à la fashion week de Paris.

Son vestiaire coloré et décalé est dans lignée des grands créateurs belges. Comme Martin Margiela, elle s’inspire d’objets du quotidien, détourne les tissus et les formes, sort les vêtements de leur cadre habituel. Comme Dries Van Noten, elle explore le potentiel des couleurs et des imprimés, apprécie autant les paillettes que les papiers peints défraîchis, imagine une garde-robe où le féminin et le masculin se rejoignent.

Chez Marni, elle succède à Francesco Risso, qui a quitté la maison en juin, après presque dix ans passés à sa tête. Cet Italien avait bâti une mode à son image, extravagante. Celui qui organisait des ateliers de peinture avec ses équipes avant ses défilés pour stimuler leur créativité imaginait des vêtements faits de collages, d’imprimés gribouillis et de détails cartoonesques.

Lors de son dernier défilé à Milan, en février, il avait présenté une collection comme un conte pour enfants peuplé de loups, de renards ou de cochons ailés, avec des robes en soie incrustées de cuir poilu ou dévorées par des fleurs en tissu géantes qui s’enroulaient autour du cou. Une proposition détonnante et souvent bien maîtrisée, mais qui, au fil des années, a transformé Marni en marque conceptuelle dont on apprécie la créativité sans y penser pour étoffer son vestiaire.

Après Francesco Risso, le profil plus tout-terrain de Meryll Rogge est intéressant pour Marni. La Belge a travaillé pour de grosses maisons, mais sait gérer les défis liés au statut de « petit ». Elle conçoit des vêtements masculins et féminins, s’y connaît en beauté et en parfum. Et, chez elle, la créativité est indissociable du confort.

« Il faut prendre en compte la réalité des morphologies. Si je veux une robe tube, je ne vais pas couper droit dans le tissu. Il faut réfléchir à la construction, appliquer des coutures de biais, invisibles, pour que la matière affine la taille et puisse s’évaser sur les hanches », expliquait-elle au Monde, en décembre 2024. Quand elle dessine une robe, elle pense à celles qui « n’auraient pas envie de montrer leurs bras, leurs mollets ou leur dos ». Et estime qu’être « une femme qui conçoit pour les femmes, ça fait une différence ».

« Pour ce poste, on a rencontré de nombreux candidats très qualifiés, assure Renzo Rosso, fondateur et président du groupe OTB, qui possède Marni. Meryll [Rogge] nous a impressionnés par la sensibilité avec laquelle elle réinterprète l’ADN de la marque, en proposant une vision contemporaine qui englobe Marni dans toutes ses dimensions, y compris les accessoires, la décoration d’intérieur, la communication et les projets spéciaux. »

Renzo Rosso n’est pas le seul à avoir remarqué le potentiel de la designer : elle avait aussi été approchée pour succéder à Dries Van Noten en 2024. Et, ces derniers temps, son nom revenait sans cesse dans les concours de mode : elle a été finaliste des prix LVMH en 2022, de l’Andam en 2024 et de Woolmark International en 2025, et a été sacrée designer de l’année aux Belgian Fashion Awards 2024. En juin, le prix de l’Andam lui a valu de remporter 300 000 euros.

La nomination de Meryll Rogge s’inscrit dans le vaste plan de remaniement créatif d’OTB. En mars, le groupe a nommé Simone Bellotti chez Jil Sander, et Glenn Martens chez Maison Margiela, en plus de Diesel. La date du premier défilé de la Belge pour Marni n’a pas encore été communiquée, mais, s’il s’inscrivait dans le cadre des fashion weeks printemps-été 2026, il rejoindrait la longue liste de marques qui, à Milan et à Paris, présenteront le premier essai de leur nouveau directeur artistique. Ce qui est certain, c’est que Meryll Rogge continue de s’investir dans sa marque. Et qu’elle sera présente à la semaine de la mode de Paris en octobre.

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