L’Europe a-t-elle manqué, il y a trente ans, l’occasion de devenir le cœur mondial de l’intelligence artificielle (IA) ? Nous sommes au début de 1994. Un an après avoir créé Nvidia, le 5 avril 1993, à Sunnyvale (Californie), Jensen Huang, Chris Malachowsky et Curtis Priem cherchent une usine pour produire leur premier processeur graphique, le NV1, qui permet de faire tourner des jeux vidéo sur des ordinateurs personnels. Leur choix se porte sur un européen : SGS-Thomson, ancêtre de l’industriel franco-italien STMicroelectronics. Née en mai 1987, la société est le fruit du mariage du français Thomson Semiconducteurs et de l’italienne Societa Generale Semiconduttori (SGS), deux pionniers de la microélectronique du Vieux Continent.
Le NV1 ne rencontre pas un grand succès commercial. Mais, en s’appuyant sur les usines et le savoir-faire de SGS-Thomson, Nvidia lance l’activité qui fera d’elle, trente années et plusieurs évolutions technologiques bien négociées plus tard, l’entreprise la plus chère du monde, la première à franchir, le 9 juillet, la barre des 4 000 milliards de dollars (3 400 milliards d’euros) de capitalisation boursière. Aujourd’hui, tous les moteurs d’IA utilisent des puces Nvidia pour leurs calculs et M. Huang, toujours aux commandes de la société, parcourt le monde avec les honneurs dus à un chef d’Etat.
En face, son partenaire historique vaut 136 fois moins (25 milliards d’euros) et seuls les spécialistes des semi-conducteurs connaissent le nom de son directeur général, Jean-Marc Chéry, nommé à la tête du groupe franco-italien en septembre 2019, une entreprise où il a fait toute sa carrière après ses débuts en 1986 chez Thomson Semiconducteurs.