Surtout ne pas faillir, ni s’exposer au soupçon de déloyauté. Laisser les autres spéculer sur son avènement comme candidate, et non plus colistière. Depuis le naufrage vécu par Joe Biden face à Donald Trump, lors du débat télévisé du 27 juin, Kamala Harris se tient à ses côtés, solidaire. Lors de la fête de l’indépendance des Etats-Unis, le 4 juillet, une photo les a immortalisés, radieux, au balcon de la résidence de la Maison Blanche, observant le feu d’artifice.
Deux jours plus tard, la vice-présidente participait au festival culturel Essence, à La Nouvelle-Orléans (Louisiane). Au cours d’une conversation publique, elle ne dit mot du doute qui assaille le camp démocrate sur les capacités de Joe Biden à mener campagne. En revanche, elle parle avec aisance de ses origines, de son parcours. Un récit en pilotage automatique, poli depuis des années. Surtout, elle dresse à nouveau un réquisitoire – elle, l’ancienne magistrate – contre le républicain Donald Trump.
La tentation Harris affleure. Elle traverse les couloirs du Congrès, elle interroge les experts, penchés sur les cartes électorales et les sondages. Donald Trump représente un danger pour l’Etat de droit et la démocratie américaine, mais c’est aussi un candidat aux nombreuses vulnérabilités.
Pour les exploiter, ne vaudrait-il pas mieux investir Kamala Harris plutôt qu’un Joe Biden aussi vulnérable et affaibli ? Quelques voix s’expriment publiquement en ce sens. Le 7 juillet, Adam Schiff, élu de Californie à la Chambre des représentants, estime que Mme Harris serait « une présidente phénoménale ». Le lendemain, Adam Smith, son collègue de l’Etat de Washington, est sur CNN. Il appelle ouvertement le président à se retirer, estimant qu’il n’est pas « la meilleure personne pour porter le message démocrate ». « La stratégie de campagne – taisez-vous, tout le monde en rang et ignorons ça – ne marche tout simplement pas », dit-il, avant d’ajouter : « Personnellement, je pense que Kamala Harris serait une candidate bien meilleure, plus forte. »
Kamala Harris, elle, connaît la versatilité de la presse, longtemps très sévère à son endroit, et la fébrilité de ses anciens collègues au Congrès, préoccupés par leur réélection en novembre. Toutefois, son entourage veille : elle ne doit pas laisser d’espérance à d’autres prétendants.
Elle seule a une dimension nationale, elle seule a accès au trésor de campagne déjà accumulé, elle seule a déjà subi la puissante broyeuse d’une élection présidentielle. Deux jours après le débat télévisé, le 29 juin, elle participe à une soirée de levée de fonds à Los Angeles, en Californie, chez le réalisateur Rob Reiner. « Je suis la preuve empirique de la promesse de l’Amérique », dit-elle, évacuant en quelques mots le débat, pour se concentrer sur la menace Trump et les réussites de l’administration en cours. Pas de défense personnelle de Joe Biden. Le message est simple : comparez, c’est terrible en face.