« La Seine n’est pas une piscine olympique, ce fleuve a des droits ! » En avril 2024, alors que le psychodrame autour de la baignade dans le fleuve parisien à l’approche des Jeux olympiques battait déjà son plein, c’est peu dire que les propos de Marine Calmet détonnaient. Dans une tribune au Monde, l’avocate clame que le fleuve est avant tout « une entité vivante, une communauté d’interdépendance fertile, à laquelle notre existence et notre bien-être sont liés ».
La juriste de 34 ans maîtrise à merveille l’art d’utiliser les coups de projecteurs médiatiques pour faire avancer son combat écologique. Son arme ? Le droit. Celui qui existe, mais surtout celui qui reste à inventer pour donner une personnalité juridique aux non-humains. Pour parler de cette révolution légale, dont elle est l’une des plus ferventes porte-parole en France, notamment à travers l’organisation non gouvernementale (ONG) Wild Legal qu’elle a créée, la juriste nous a donné rendez-vous au Jardin des plantes, à Paris.
Ce parc abrite le Muséum national d’histoire naturelle, où elle participe régulièrement à des conférences pour croiser les regards avec des scientifiques sur le thème des droits de la nature. « Notre objectif est d’aboutir à ce que le droit soit plus proche du vivant et respectueux de ses lois, qu’il réponde aux besoins de toute la biosphère. Et les scientifiques sont là pour nous aider à comprendre ces besoins… », explicite-t-elle, sur fond de chants d’oiseaux de la ménagerie du parc, située à quelques pas.
Comme la société dans son ensemble, ces scientifiques sont, elle en est certaine, bien plus ouverts qu’avant à l’idée de reconnaître un jour aux montagnes, fleuves ou forêts une personnalité juridique afin de pouvoir mieux défendre leurs droits par le biais d’associations, par exemple. Une idée développée en 1972 par le juriste américain Christopher Stone. Après tout, le mouvement s’est accéléré à l’échelle mondiale depuis une quinzaine d’années.
A la suite de l’Equateur, qui a été le premier à reconnaître les droits de la « Terre-mère » dans sa constitution en 2008, la Colombie, la Nouvelle-Zélande ou encore l’Inde ont aussi sauté le pas. Plus récemment, l’Espagne a accordé en 2022 une personnalité juridique à la lagune Mar Menor, près de Murcie… Ces pays ont ainsi acté que « le droit, tel qu’il est aujourd’hui, n’arrive pas à faire face à la destruction du vivant et à la crise climatique, qu’il faut changer de schéma de pensée… », résume l’avocate.