Montés à bord d’un char, Javier Milei et Victoria Villarruel jubilent. Séparés par une mitrailleuse, le président argentin d’extrême droite et sa vice-présidente se tiennent la main et saluent la foule, hilares, tandis que le blindé s’avance sur l’immense avenida del Libertador, à Buenos Aires.
Ce mardi 9 juillet, jour de l’indépendance du pays, et pendant plus de deux heures, 7 000 soldats et 70 véhicules ont parcouru la large avenue arborée, survolée par 62 avions de chasse et hélicoptères, sous les cris de « vive la patrie ! » des centaines de milliers de personnes venues braver le froid en cet hiver austral.
Excepté sous le gouvernement de Mauricio Macri (droite, 2015-2019), la tradition du défilé militaire avait été abandonnée pendant les mandats péronistes (centre gauche) de ces deux dernières décennies, au profit de grandes célébrations populaires. « Quel plaisir de voir un acte patriotique avec des fanfares militaires, des grenadiers, l’armée de terre, l’armée de l’air et les héros de la guerre des Malouines, a tweeté Agustin Romo, député du parti du président, La Libertad Avanza. Nous laissons enfin derrière nous les défilés de travestis communistes et drogués. »
Sur le char, bras levés, Javier Milei a des raisons d’exulter. Quelques heures plus tôt, à 1 200 kilomètres de là, à San Miguel de Tucuman, capitale de la province du même nom, il posait aux côtés de dix-huit des vingt-quatre gouverneurs du pays, tous de l’opposition, qui venaient de signer son « pacte de mai », un document en dix points destiné à « remettre [le peuple argentin] sur le chemin du développement et de la prospérité ».
Contre toute attente, le président a réussi à obtenir ce qu’il attendait depuis des mois : l’adhésion des gouverneurs à son projet. Formant une haie d’honneur de part et d’autre du chef de l’Etat, dans la Maison historique de Tucuman, où a été signée l’indépendance le 9 juillet 1816, les dix-huit hommes ont, tour à tour, ratifié le document dans une mise en scène soignée. « Le gouvernement veut montrer de manière surjouée son idée de refondation du pays, avec des symboles forts comme le “pacte de mai” ou le défilé militaire, explique Pablo Ortemberg, historien du Conseil national de recherches scientifiques et techniques et professeur à l’université nationale de San Martin. Il dit haïr l’Etat et vouloir le détruire, mais il est amoureux des symboles de l’Etat. »
Javier Milei avait espéré que le texte soit signé le 25 mai, une autre fête nationale argentine – d’où le nom de l’accord. Il aura finalement dû attendre deux mois d’âpres négociations. « Nous annonçons le début d’un nouvel ordre pour notre pays », a-t-il déclaré, triomphant, lors d’un discours prononcé peu après minuit.