Nous sommes à l’époque du premier gouvernement Macron. Corrigeant un article dans lequel il est question de Laurent Nunez, récemment nommé secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’intérieur, je vérifie l’orthographe de son nom, dont il me semble que le second N porte habituellement un tilde qui n’apparaît pas dans le texte.
Le tilde est ce que l’on appelle un « signe diacritique », ou un « diacritique » tout court, du grec ancien diakritikos, « qui sert à distinguer ». Les diacritiques sont ces petits signes que l’on a ajoutés aux lettres à partir de la Renaissance pour modifier la prononciation des mots, au moment où il est devenu patent que les lettres héritées du latin ne permettaient plus de reproduire assez fidèlement les sons du français. Notre langue compte cinq signes diacritiques officiels. Le premier, historiquement, fut l’accent aigu sur le E.
Viendront ensuite l’accent grave, le tréma, l’accent circonflexe et la cédille – le seul diacritique français qui ne s’installe pas au-dessus d’une lettre, le seul aussi à modifier une consonne. Nos voisins européens ont opté pour d’autres signes : il y a l’étonnant petit rond sur le A suédois, artistement nommé « rond en chef », le O barré norvégien, et, plus proche de nous géographiquement, le tilde espagnol, cette petite couleuvre sur le N qui indique qu’il se prononce « gne » au lieu de « n ».
Alors ? Nunez ou Nuñez ? J’ai beau chercher, impossible de le déterminer avec certitude. On trouve sur Internet plusieurs interviews dans lesquelles il affirme tenir à ce tilde, témoin de l’origine andalouse de sa famille, et entendre que son patronyme soit prononcé (« nunièze », et non « nunèze »), pour en tenir compte. En revanche, de manière surprenante, sur le portail Internet du gouvernement, qui pour les correcteurs fait foi en matière de nom et de fonction officielle des ministres, « Nunez » ne porte pas d’accent.
Pourquoi ? Il se trouve que M. Nun(ñ)ez est entré au gouvernement au moment où se jouait en Bretagne une tragédie judiciaro-familialo-typographique autour du tilde. Le tilde n’est pas officiellement considéré comme français, mais il existe bien en breton, et des parents bretons qui voulaient nommer leur nouveau-né Fañch (diminutif de Frañsez, équivalent local de François), avec un tilde sur le N, se le sont vu interdire.