Théorisé en 1945 par le peintre Jean Dubuffet (1901-1985) pour désigner les créateurs autodidactes tenus pour fous ou anticonformistes tourmentés, l’art brut a longtemps été cantonné à la pénombre. Ses défenseurs les plus zélés l’avaient mis sous cloche, dans l’espoir de le protéger d’un marché supposé vicié et d’une culture officielle asphyxiante à leurs yeux. Les musées l’avaient crânement ignoré, le jugeant trop déviant, incommodant, en un mot irrécupérable. « C’est l’un des derniers grands impensés de l’art », résume Christian Berst depuis son vaste bureau, passage des Gravilliers, dans le 3e arrondissement de Paris.
En vingt ans d’activité, ce marchand intello, qui parle comme un livre, a réussi, à sa modeste échelle, à bousculer les dogmes. L’art brut n’était nulle part. Il est désormais partout, en pointillé certes, saupoudré ici ou là comme un exhausteur de goût. Les prix modiques ont aussi attiré de nouveaux acheteurs, ce que Christian Berst assume pleinement. « Que les gens viennent parce que c’est moins cher que d’autres œuvres, ça ne me dérange pas, argumente-t-il. Ce qui m’importe, c’est qu’ils restent pour de bonnes raisons, pour un rapport sincère et authentique. »