La jeune journaliste qui enquêtait dans les territoires ukrainiens occupés par l’armée du Kremlin avait été arrêtée par la police russe à l’été 2023 avant de disparaître dans l’opacité du système carcéral russe. Son corps avait été rendu aux autorités ukrainiennes dans un état lamentable en février 2025. Vendredi 8 août, six mois plus tard, les funérailles de Viktoria Rochtchyna, tuée à 27 ans dans de sombres circonstances, ont commencé par un service religieux au monastère Saint-Michel-au-Dôme-d’Or, à Kiev, suivi d’un rassemblement sur la place Maïdan et de son enterrement dans un cimetière de la capitale. Les uns après les autres, proches et anciens confrères sont venus déposer une gerbe de fleurs sur le cercueil de la jeune femme, qu’un portrait montrait avec un regard intense, les bras croisés.
La cérémonie a eu lieu au lendemain de l’annonce par les autorités ukrainiennes de la mise en examen d’Aleksandr Shtoda, le directeur du centre de détention provisoire numéro 2 de Taganrog. Les gardiens de cette prison située en Russie, dans laquelle Viktoria Rochtchyna a passé une longue partie de sa détention, sont accusés de commettre des actes de torture systématiques et d’affamer les détenus ukrainiens, civils comme militaires. La police ukrainienne a déclaré que l’enquête, réalisée avec d’autres services étatiques, permet d’affirmer que la journaliste a été soumise « à des tortures systématiques, à des humiliations, à des menaces, à des restrictions sévères en matière d’accès aux soins médicaux, à l’eau potable et à la nourriture ».
Une investigation menée sur plusieurs mois par le réseau de journalistes Forbidden Stories et douze médias partenaires, dont Le Monde, avait permis de déterminer qu’elle avait passé au moins neuf mois dans le centre de détention provisoire de Taganrog avant sa mort. L’enquête, publiée en avril, revenait sur le dernier reportage de Viktoria Rochtchyna dans les territoires occupés, de son arrestation non loin de la centrale nucléaire de Zaporijia, le 3 août 2023, jusqu’à la remise de son corps, un an et demi plus tard. Elle travaillait sur le système pénitentiaire russe et sur les actes de torture commis massivement sur les détenus. Le consortium de journalistes avait authentifié l’utilisation systématique d’actes comme les chocs électriques, les simulacres de noyade ou d’exécution dans 29 centres de détention répartis entre les territoires occupés et la Russie.