Joe Biden n’avait pas besoin de ça, à quelques minutes d’une conférence de presse où il joue sa survie politique. Alors que les interrogations sur sa capacité à concourir pour un deuxième mandat se multiplient depuis son débat raté contre Donald Trump il y a deux semaines, le président américain a fait une bourde monumentale, jeudi 11 juillet, au sommet de l’OTAN, désignant le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, comme le « président Poutine ».
Le leader démocrate s’est repris rapidement mais la bévue est intervenue à quelques minutes d’une conférence de presse très attendue du chef d’Etat de 81 ans, pressé de retirer sa candidature par de plus en plus de voix dans les rangs démocrates.
« Et maintenant je veux passer la parole au président de l’Ukraine, qui a autant de courage qu’il a de détermination. Mesdames et messieurs, le président Poutine », a déclaré le président américain, qui s’est écarté du micro avant de réaliser son erreur et d’y revenir pour dire : « Il va battre le président Poutine. Le président Zelensky. Je suis tellement concentré sur le fait de battre Poutine. »
L’erreur est de très mauvais augure avant une conférence de presse qu’il devait donner à 18 h 30 locales (minuit et demi à Paris) et qui a été repoussée d’une demi-heure. L’enjeu pour le président américain sera d’avoir de la repartie, de s’exprimer clairement, d’une voix assurée, sans notes et sans prompteur.
Il en avait été incapable le 27 juin dernier pendant le débat face à son prédécesseur républicain Donald Trump, qu’il reste déterminé à affronter lors du scrutin de novembre. « S’il arrive, qu’il regarde une fiche et cherche un journaliste avec une question décidée à l’avance, ce ne sera pas être “un grand garçon”. Cela dira juste que tout est mis en scène et écrit à l’avance », a dit Jason Miller, un proche conseiller de Donald Trump, sur Newsmax.
La Maison Blanche a utilisé cette expression curieuse de « conférence de presse de grand garçon » pour le rendez-vous de jeudi, laissant entendre qu’il serait plus substantiel et spontané que lors des courtes séances de questions-réponses bien balisées auxquelles il se prête d’ordinaire.
Côté démocrate, nombreux sont ceux qui doutent que le président de 81 ans puisse encore sauver sa candidature, à quelques semaines de la convention d’investiture qui se tiendra du 19 au 22 août à Chicago. « Ni la conférence de presse de ce soir ni l’interview prévue lundi [sur la chaîne NBC] n’offriront au président le salut politique qu’il recherche », a cinglé dans un communiqué Ritchie Torres, élu de New York.
Selon le New York Times, l’équipe de campagne de Joe Biden et de sa colistière Kamala Harris a commencé à mener discrètement des sondages sur les chances de la vice-présidente, âgée de 59 ans, face à Donald Trump. La principale intéressée, première femme mais aussi première personne d’origine afro-américaine et asiatique dans ce rôle, est jusqu’ici d’une loyauté sans faille.
« Nous savions que cette élection serait difficile (…) Mais s’il y a une chose que nous savons à propos de notre président Joe Biden, c’est qu’il est un battant ! » a-t-elle dit jeudi pendant un meeting en Caroline du Nord, en promettant, dans un discours énergique : « Nous allons continuer à nous battre. »
Depuis qu’il est président, Joe Biden a donné 36 conférences de presse, selon la chercheuse Martha Joynt Kumar, citée par Axios. Parmi ses six derniers prédécesseurs, seul le républicain Ronald Reagan avait fait moins.
Le démocrate, ancien bègue, n’a jamais été un orateur flamboyant, en particulier lorsqu’il improvise. Avec l’âge, ses prises de parole sont de plus en plus laborieuses. Il a aussi une histoire de ratés spectaculaires.
En février, il avait parlé coup sur coup de l’ancien président français François Mitterrand, décédé en 1996, au lieu d’Emmanuel Macron, et évoqué feu Helmut Kohl à la place de l’ancienne chancelière allemande Angela Merkel.
Cette nouvelle gaffe jeudi porte un coup de plus au président octogénaire, qui jusqu’ici résiste aux appels au retrait venant de son parti mais aussi de célébrités et de grandes fortunes du monde du spectacle.
Dans un sondage Ipsos diffusé jeudi par le Washington Post et ABC, 67 % des personnes interrogées estiment que le président américain devrait retirer sa candidature. Parmi les seuls électeurs démocrates, c’est aussi l’opinion majoritaire, à 56 %.
Seulement 24 % des électeurs jugent que Joe Biden est « mentalement vif », tandis que près du double (58 %) jugent que c’est le cas pour Donald Trump. Une dizaine d’élus démocrates à la Chambre des représentants et un sénateur ont désormais appelé ouvertement leur candidat à abandonner.