Trois heures durant, il a regardé ses concurrents tenter de faire mieux que lui, installé sur le « hot seat », le fauteuil de leader provisoire. Parti en 17e position (sur 153) du dernier contre-la-montre de l’édition 2025 de la Vuelta, à Valladolid, l’Italien Filippo Ganna (Ineos Grenadier) s’est finalement imposé, jeudi 11 septembre à Valladollid (Espagne). Le double champion du monde de la discipline a concentré ses efforts sur les quatre derniers kilomètres, qu’il a parcourus à 63 km/h. Si la très attendue bataille pour le maillot rouge de leader s’est déroulée sur les routes espagnoles, elle a été une nouvelle fois amputée par les manifestations propalestiniennes, qui chamboulent le Tour d’Espagne depuis plus d’une semaine.
Jeudi, dans la matinée, les organisateurs de la Vuelta ont annoncé avoir réduit de moitié le tracé, complètement plat, du contre-la-montre et renforcé le dispositif de sécurité en déployant 800 policiers en bord de route. Initialement prévu sur 27,2 km, le parcours a été raccourci à 12,2 km, ne laissant guère d’espoirs aux favoris ayant misé sur cet exercice particulier pour tenter de rattraper leur retard.
« J’ai fait de mon mieux, ce n’est pas un effort qui me va tellement bien, juste dommage qu’il n’y ait pas eu 27 km, au final, mais c’est comme ça, a ainsi regretté Joao Almeida (UAE Team Emirates), troisième de l’étape, au micro d’Eurosport. On n’y peut pas grand-chose, mais c’est pareil pour tout le monde. » Dauphin au classement général, le Portugais ambitionnait de rattraper Jonas Vingegaard (Visma-Lease a bike), moins rouleur que lui, mais a vu le Danois signer le neuvième temps, et conserver le maillot rouge.
Visiblement soulagé, Jonas Vingegaard s’est également exprimé : « Je ne pense pas que [cet exercice court] favorise les coureurs qui pèsent 60 kg comme moi, cela favorise ceux qui ont plus de poids », a relaté le double vainqueur du Tour de France, satisfait de sa performance – il conserve quarante secondes d’avance à trois étapes de l’arrivée à Madrid. Aurait-il pu faire mieux sur 27 km ? « Je n’en sais rien, a répondu le maillot rouge. Ça aurait quand même été plat, et peut-être été plus à l’avantage de Joao Almeida ».
Malgré les précautions des organisateurs – qui ont déjà été contraints de modifier l’arrivée de deux étapes en cours de journée – et le déploiement de forces de l’ordre en nombre, la tension autour de l’épreuve n’a pas disparu. Deux manifestants ont été interpellés pour avoir tenté d’entraver le passage d’un coureur de l’équipe Israel-Premier Tech en enjambant les barrières de sécurité longeant le parcours. Comme depuis l’arrivée de la Vuelta sur le sol espagnol, de nombreux manifestants propalestiniens s’étaient rassemblés pour dénoncer la présence de cette formation, financée par le milliardaire israélo-canadien Sylvan Adams, proche du gouvernement Nétanyahou.
Les manifestants entendent dénoncer la guerre menée par l’État hébreu dans la bande de Gaza et concentrent leur contestation sur l’équipe israélienne, dont ils réclament l’exclusion. Face aux nombreux mouvements – certains mettant les concurrents de la Vuelta en danger –, cette dernière avait retiré la mention « Israel » de son maillot, samedi 6 septembre, mais refuse de céder aux injonctions de se retirer de la compétition.
Pilar Alegria, porte-parole du gouvernement espagnol et ministre de l’éducation et des sports, avait suggéré la veille, sur la radio Cadena Ser, d’appliquer aux équipes israéliennes le même traitement qu’aux équipes russes et biélorusses depuis l’invasion de l’Ukraine en 2022, laissant entendre qu’Israel-Premier Tech ne devrait pas participer à la Vuelta. « Les compétences relèvent de l’UCI [Union cycliste internationale] et la décision devrait être partagée par le CIO [Comité International Olympique], puisqu’il s’agit d’un sport olympique. Face à la situation que nous vivons actuellement, d’une telle gravité, il faut prendre position et prendre une décision », a-t-elle ajouté.
Ces manifestations surviennent dans un contexte de grande tension entre Israël et l’Espagne, une des voix les plus critiques en Europe sur la situation à Gaza. Le gouvernement de gauche de Pedro Sánchez a reconnu l’Etat de Palestine en mai 2024 et vient d’annoncer de nouvelles mesures destinées « à mettre un terme au génocide à Gaza ».