Avant de demander des efforts aux Français, Sébastien Lecornu veut montrer l’exemple par une mesure symbolique. Le nouveau locataire de Matignon a annoncé, lundi 15 septembre dans un message sur X, que « les avantages “à vie” des anciens membres du gouvernement seront supprimés dès le 1er janvier 2026 ».
Un tel projet avait déjà été esquissé par ses prédécesseurs Michel Barnier – qui voulait un « train de vie de l’Etat (…) plus sobre, plus simple » – et François Bayrou – qui entendait débusquer les « situations d’avantages indus, excessifs ». Il avait également été poussé par le député centriste Charles de Courson dans une proposition de loi déposée en avril, qui n’avait pas encore été examinée. Mais quels sont ces « privilèges » dont parle Sébastien Lecornu ? Et sont-ils réellement octroyés « à vie » ?
A la fin de leur mandat, les premiers ministres conservent leur indemnité pour trois mois, à condition qu’ils n’aient pas d’activité rémunérée et qu’ils soient en règle auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) – à laquelle ils doivent soumettre des déclarations de patrimoine et d’intérêts. Ils ne touchent, en revanche, par la suite aucune pension de retraite spécifique.
Dans les dix ans qui suivent la fin de leur passage au gouvernement, ils bénéficient en outre d’un « agent pour leur secrétariat particulier ». Cet avantage n’est toutefois pas octroyé au-delà de leur 67e anniversaire – ce qui en exclut Michel Barnier et François Bayrou, tous deux âgés de 74 ans. Il ne s’applique pas non plus à ceux qui disposent d’un avantage similaire au titre d’un autre mandat ou d’une autre fonction publique, comme Jean Castex, président de la RATP, ou Edouard Philippe, maire du Havre.
Ces limitations n’ont été mises en place qu’en 2019, par un décret pris sous le premier mandat d’Emmanuel Macron, mettant fin au bénéfice du secrétariat « à vie ». Pour les 11 anciens premiers ministres dont le mandat a pris fin avant son application, le texte prévoyait une rallonge de dix ans de leur secrétariat, c’est-à-dire jusqu’en 2029. Ce qui explique qu’Edith Cresson ou Edouard Balladur, dont les mandats ont pris fin dans les années 1990 et qui ont plus de 90 ans, profitent toujours de dépenses de personnel importantes. Laurent Fabius, premier ministre de 1984 à 1986, dont le mandat de président du Conseil constitutionnel a pris fin en mars, a retrouvé son droit à un secrétariat pendant encore quatre ans.
Les 17 anciens premiers ministres disposent, par ailleurs, « à vie » d’une voiture de fonction avec chauffeur et frais afférents, à condition qu’ils n’en bénéficient pas au titre d’un autre mandat public.
Enfin, tous les anciens premiers ministres peuvent bénéficier d’une protection policière. Selon un rapport parlementaire d’octobre 2024, ce privilège, issu d’une « tradition républicaine non écrite », est octroyé de façon systématique et « sans limitation de durée ». Le coût de cette protection était évalué à 2,8 millions d’euros en 2019, en incluant les salaires des policiers, leurs heures supplémentaires, les frais de mission et l’entretien des véhicules.
Si l’on y ajoute les voitures avec chauffeur et les secrétaires (1,6 million d’euros), le budget total des avantages des anciens premiers ministres s’élevait à 4,4 millions d’euros en 2019.
Sébastien Lecornu a dit sur X que « tous les (…) moyens mis à disposition des anciens premiers ministres à vie le seront dorénavant pour une durée limitée ». Ce sera notamment le cas de la protection policière, qui ne sera « accordée aux anciens premiers ministres et ministres de l’intérieur que pour une durée limitée, et reconduite en fonction de la réalité du risque ». « S’il est normal que la République protège les personnes faisant l’objet de menaces, il n’est en revanche pas concevable qu’ils puissent bénéficier d’avantages à vie en raison d’un statut temporaire », a fait valoir le premier ministre.
Contrairement aux idées reçues, les anciens ministres ne disposent d’aucun avantage « à vie ». « Dès qu’on quitte nos fonctions, on perd tous les avantages. On arrive le matin avec un chauffeur, on repart le soir en taxi », raconte une ancienne ministre du gouvernement Castex.
Ils conservent néanmoins leur indemnité pendant les trois mois qui suivent la fin de leur mandat, dans les mêmes conditions que les anciens chefs du gouvernement. Depuis 2013, les anciens ministres doivent aussi déclarer à la HATVP tout changement de poste pendant trois ans. La Haute Autorité peut décider de l’incompatibilité du poste visé avec les anciennes fonctions pour éviter les conflits d’intérêts. Elle avait, par exemple, empêché l’ancien secrétaire d’Etat au numérique Cédric O de rejoindre le conseil d’administration de l’entreprise Atos, spécialisée dans les services numériques.
Par ailleurs, comme les chefs de gouvernement, les ministres ne touchent pas de retraite automatique à vie. Ils cotisent à la Caisse nationale d’assurance-vieillesse et à l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’Etat et des collectivités publiques (le régime de retraite complémentaire des agents contractuels de la fonction publique). Ceux qui ont été députés ou sénateurs continuent de cotiser à leur régime spécial réservé aux parlementaires.
Les ministres ne versent pas de cotisations chômage et ne touchent donc aucune allocation.
Certains anciens ministres bénéficient aussi d’une protection policière – si le ministère de l’intérieur l’estime nécessaire –, qui peut inclure la mise à disposition d’une voiture avec chauffeur. C’est systématiquement le cas des anciens ministres de l’intérieur, qui ont tous eu accès à des informations sensibles durant leur mandat. Mais d’autres peuvent aussi en bénéficier : en 2024, Libération relatait que Marlène Schiappa et Olivier Dussopt jouissaient, par exemple, d’une protection et d’une voiture privée après la fin de leur mandat.
Sébastien Lecornu va donc restreindre à compter du 1er janvier la protection policière des anciens ministres. Elle sera « limitée » dans le temps et « reconduite en fonction de la réalité du risque ».