Cette semaine, le cinéma nous emmène dans des coulisses pas toujours reluisantes. La Tour de glace, de Lucile Hadzihalilovic, confronte ainsi une adolescente à la vie d’un plateau de tournage, là où Left-Handed Girl. Une famille à Taïwan, de Shih-Ching Tsou, montre la réalité d’une ville marquée par l’exploitation. L’Intérêt d’Adam, de Laura Wandel, offre un portrait cru de l’hôpital public et, avec Oui, l’Israélien Nadav Lapid nous plonge dans l’obscénité d’un pays gagné par la barbarie.
Chef-d’œuvre
Tour de grâce. Jouons avec les mots pour exprimer le bonheur visuel que procure le quatrième long-métrage de Lucile Hadzihalilovic. Chacun de ses films s’apparente à un conte délicatement empoisonné : fillettes se cognant aux murs d’un enfermement (Innocence, 2004) ; gamine à la mâchoire de cristal, contrainte par l’appareil dentaire (Earwig, 2023) ; femmes infirmières s’adonnant à d’étranges soins sur des garçons (Evolution, 2015).
Librement inspiré par La Reine des neiges, du Danois Hans Christian Andersen, La Tour de glace met en scène deux héroïnes, en miroir l’une de l’autre : une adolescente (Clara Pacini) fascinée par le personnage immortel du conte, et une star de cinéma (Marion Cotillard) incarnant la Reine, aux tenues immaculées. Le scénario travaille le songe et l’évocation tout en bâtissant un récit initiatique, au prisme de la relation trouble qui s’installe entre les deux femmes au cœur d’un plateau de tournage.
Perdre le contrôle, ou dominer, se toiser du regard comme on guette son reflet. Que représente Cristina pour Jeanne, et vice versa ? Lucile Hadzihalilovic excelle dans les projections mentales, la fabrication du faux, créant des plans somptueux, dans un gris-blanc estompant les silhouettes, les traits sous la perruque, l’incontournable corbeau faisant tache noire. La Tour de glace est à l’image du royaume de la Reine, lequel nous est décrit en ces termes (en voix off) dès le premier plan : vaste, immense et scintillant. Cl. F.