Quel est l’esprit de notre temps ? Que vivons-nous d’inédit avec le « fascisme hybride » qu’incarnait encore récemment l’alliance de Trump et Musk ? Ce n’est pas le fascisme historique, copié-collé, de Mussolini ou d’Hitler. Ce ne sont pas non plus, à l’identique, les méthodes de contrôle et d’intimidation des Etats totalitaires du XXe siècle. Malgré tout, bien des traits convergent : fusion entre Etat et parti, fascination pour la technique, virilisme, expansionnisme, trucage des mots, manipulation des consciences… Si l’on veut comprendre ce qui arrive, où nous allons, et comment résister, le problème est de diagnostiquer la nature exacte de cette phase de l’histoire.
Tâche difficile, évidemment, mais vitale. La politologue Asma Mhalla s’y consacre, depuis des années, avec une pertinence et une acuité remarquables. Son parcours l’a conduite de Tunis à Paris, des banques d’affaires à la géopolitique, de l’Ecole des hautes études en sciences sociales au CNRS, des Etats-Unis à l’analyse de l’emprise numérique. Chercheuse atypique, elle combine l’information détaillée, de première main, avec le sens des enjeux globaux. Pédagogue, enseignant à Sciences Po et à Polytechnique, elle est intervenue dans de multiples médias américains et français, avant de publier un premier essai remarqué, Technopolitique. Comment la technologie fait de nous des soldats (Seuil, 2024, qui paraît en poche, Points, 312 pages, 8,70 euros).