« Les Enfants de la crique », de Rémi Baille : sous le soleil, seuls sur le sable

Les Enfants de la crique

De Rémi Baille

Le Bruit du monde, 180 p. ; 19 €

Il y a des lieux qui se méritent. La crique, où se déroule ce premier roman ardent, est de ceux-là. Pour y arriver, le curieux ou le touriste doit emprunter un long chemin de terre battue creusé au milieu de la roche. En récompense, un bleu pur, un « intense azur », qu’on ne peut retrouver ailleurs sur la côte. Ici, l’horizon est une maison. Organisée autour de cabanons, une petite communauté y mène une vie simple, en face-à-face avec les éléments et en retrait du monde. « Pour vivre en autarcie, il fallait être débrouillard, écrit Rémi Baille. Dans la crique, les enfants apprenaient à être libres, mais aussi solidaires. »

« Normalement, on ne quitte pas la crique. » Nine, elle, en meurt d’envie. Elle a presque 18 ans et des rêves d’ailleurs. « Quelque chose brûlait sous ses pas et chacun de ses mouvements donnait l’impression d’une guerre d’indépendance », décrit le narrateur. Un matin, elle s’en va. Malgré le début d’une histoire d’amour avec Coco, le fils du pêcheur ; malgré ses liens avec cette terre, elle s’en va. En son absence, un incendie survient, qui bouleverse le tranquille équilibre.

Il se dit que, quand il était petit, à Toulon, Rémi Baille arrivait en retard à l’école car il restait contempler la mer. Des années après, sa plume, nourrie par Camus ou Pagnol, sent la Méditerranée, la chaleur et la pinède, pour décrire ce monde à part, en forme de paradis perdu, que la nature tour à tour protège et menace. Dans Les enfants de la crique, les flammes avancent, dévorent et détruisent, mais prennent aussi la forme d’une main ouverte, dans laquelle on aimerait se lover. Dans la crique, le soleil ne brille pas, il mord et joue les tyrans. La tragédie s’invite sous ses rayons et la moiteur transpire entre les lignes. Une scène d’évacuation des cabanons, écrite de manière crépitante, prend alors des airs épiques, comme pour rappeler que sous ses airs paisibles, cette mer-là aussi peut être violente et devenir un cimetière.

Rémi Baille signe un beau livre sur la liberté, l’attachement à la terre et l’urgence climatique, qui fait écho aux récents étés caniculaires que la France et le monde ont traversés. Il nous faudra cohabiter avec les éléments, alerte Les enfants de la crique. Car, comme le dit La Douane, l’un des personnages clés du roman, « la nature ici tient sa force des choses que nous ne maîtrisons pas ».

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