C’est le symptôme le plus visible d’un système hospitalier en crise. Les urgences sont en surchauffe, été après été. C’est aussi, sans surprise, l’un des premiers dossiers qui va s’imposer à un futur ministre de la santé, quand l’entre-deux gouvernemental aura pris fin.
Les médecins ont coutume de le rappeler à chaque nouvelle nomination – et il y en a eu cinq, Avenue de Ségur, ces deux dernières années : les tensions et les fermetures qui se multiplient dans les services d’urgence, qui manquent de médecins, ne sont que la partie émergée de l’iceberg, la crise traversant l’ensemble du système de soins. Porte d’entrée de l’hôpital, les urgences sont au carrefour des difficultés de prise en charge « en amont » – avec des déserts médicaux qui s’aggravent sur de nombreux territoires – et des difficultés d’accueil « en aval » du fait d’un nombre de lits insuffisants pour hospitaliser les patients.
Alors que les alertes, désormais habituelles, ont commencé à résonner sur le terrain en ce début de mois de juillet, de nouveaux chiffres, dévoilés jeudi 11 juillet, apportent un éclairage national sur le fonctionnement des urgences. Avec la force du nombre : pour cette enquête qui intervient tous les dix ans, la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) a réussi à impliquer la totalité des 719 points d’accueil des urgences existants, répartis dans 612 hôpitaux et cliniques ? il peut y en avoir deux par établissement, pour les adultes et pour les enfants. Et ce, sur une même journée d’observation de leur activité, le 13 juin 2023, soit en dehors des périodes les plus complexes, concentrées en hiver avec les épidémies et en été avec les congés.
Pourtant, à cette date, 54 services d’urgences (8 %) ont déclaré avoir dû fermer « complètement » leurs portes au moins une fois dans les trois mois précédant l’enquête, le plus souvent la nuit. Près d’un quart (23 %) ont dû mettre en place un accès dit « régulé », au moins sur certains créneaux horaires, la régulation consistant à filtrer l’accès aux urgences en demandant à tous les patients d’appeler au préalable le 15.
Autre chiffre reflétant les tensions : 19 % des services ont révélé un « manque de médecins pour remplir les plannings », au cours de la semaine précédant l’enquête. La pénurie de soignants touche toutes les professions médicales, mais en premier lieu les urgentistes. Le cercle vicieux est connu : une forte pénibilité du travail, avec de nombreuses gardes à assurer, qui s’aggrave avec les postes vacants, ce qui engendre… de nouveaux départs.