Histoire d’une notion. Depuis quelques jours, les « lame ducks » (littéralement : « canards boiteux ») cancanent dans la presse anglophone. L’expression vise le président français, désormais considéré comme affaibli sur la scène nationale, mais aussi internationale. « C’est un canard boiteux, clopinant jusqu’à la fin de son mandat prévu en 2027, sans même être sûr de vivre assez longtemps pour le voir arriver à son terme », écrit ainsi cruellement le Times. « Macron le canard boiteux est désormais également un canard assis [une proie facile] », assène l’agence Bloomberg.
Le lame duck est un volatile qui niche surtout dans le bestiaire politique américain. Dans son sens le plus large, il désigne un politicien blessé, ou pour filer la métaphore ornithologique, qui a laissé des plumes : il reste en fonctions, mais il a perdu son pouvoir, son influence internationale et le plus souvent sa popularité.
Aux Etats-Unis, l’expression est utilisée depuis le milieu du XIX? siècle. Le plus souvent, elle désigne un président en fin de mandat, attendant d’être remplacé lors de la prochaine investiture. Après l’élection présidentielle du 5 novembre 2024 et jusqu’à l’investiture de Donald Trump le 20 janvier 2025, Joe Biden a ainsi incarné parfaitement la figure du lame duck. Mais quand Barack Obama (comme George W. Bush avant lui…) a perdu la majorité du Congrès au mi-temps de son second mandat (novembre 2014), il a également rejoint la catégorie lame duck.
C’est une période très périlleuse, car des forces hostiles peuvent profiter de la faiblesse présidentielle pour pousser leurs pions. Les Américains n’oublient pas que c’est entre l’élection d’Abraham Lincoln (1809-1865) en novembre 1860 et son investiture en mars 1861 que sept Etats du Sud ont fait sécession de l’Union – le président sortant, James Buchanan (1791-1868), avait refusé de prendre position contre les sécessionnistes, laissant la crise s’aggraver, ce qui a conduit à la guerre de Sécession.