Dans la grande famille des vêtements fonctionnels ayant quitté leur milieu d’origine pour infiltrer nos petites vies de bureau, le vêtement militaire occupe une place particulièrement intéressante. Plus encore que celle des tenues de travail ou de rando, la prolifération en milieu urbain, et pacifié, de bombers MA-1 de l’armée américaine, de Pataugas des régiments français ou encore de blousons de motard des bataillons suédois interrogent, en effet.
Pourquoi ? A bien des égards, ces emprunts au vestiaire militaire ancien relèvent du pur bon sens. Pensés avec soin et débarrassés des habituels gadgets inhérents au design de mode, les habits militaires sont en effet particulièrement fonctionnels et durables. A une époque où le prix d’un article dépend d’abord du prestige de la marque ou de la notoriété de l’égérie préposée à sa promotion, leur achat, en surplus ou en friperie, équivaut donc souvent à une très bonne affaire.
Demeure cette question lancinante : les vêtements militaires possèdent-ils en eux-mêmes une violence intrinsèque ? Pour répondre, il n’est pas inutile de rappeler qu’il fut un temps où les hippies américains, proclamant « Make love, not war » (« faites l’amour, pas la guerre »), s’habillaient quasi exclusivement en surplus militaires. Au début des années 1970, John Lennon chanta même à plusieurs reprises Give Peace a Chance habillé de la veste M65 portée par les GI, au même moment, au Vietnam.
C’est ainsi que, ironie de l’histoire, ce vestiaire entama un processus de normalisation et de désarmement. Au terme de celui-ci, et porté au fil des décennies par de nombreuses sous-cultures (citons ici les mods anglais roulant sur leur Vespa et habillés de parkas M51 américaines) et une foule d’icônes pop (citons là le groupe de rap new-yorkais Mobb Deep constamment vêtu d’une veste camouflage), il apparaît aujourd’hui totalement folklorisé et inoffensif.
Après avoir rappelé que le port d’un vêtement de l’armée nazie en public relève de l’« apologie de crime contre l’humanité » et que le port d’insignes ou médailles militaires est un fait pénalement répréhensible – « usurpation de grade » –, nous nous contenterons donc de formuler, en guise de conclusion, un simple conseil esthétique : pour rester en paix avec votre style, jamais plus d’une pièce militaire par tenue.