On voit monter, notamment aux Etats-Unis, un mouvement que l’on pourrait qualifier de techno-fasciste. Il repose sur l’alliance de l’extrême droite et de milliardaires de la tech. Derrière cette convergence d’intérêts se dessine un objectif commun : démanteler les piliers de la démocratie libérale et du vivre-ensemble. Toutes les institutions démocratiques sont attaquées : l’audiovisuel public, la justice, les journalistes… et désormais la monnaie.
Une des premières mesures prises par le président Donald Trump après sa réélection fut d’interdire le dollar numérique et de soutenir massivement le développement des stablecoins. S’il s’agit évidemment pour Trump de permettre aux techno-milliardaires, qui lui ont juré allégeance, de s’arroger des parts de marché croissantes grâce au développement de ces actifs, ce n’est malheureusement pas son seul but : à travers cette politique, c’est l’institution même de la monnaie qui est attaquée.
La monnaie n’est pas qu’un moyen de paiement. C’est une institution politique qui participe à l’unité et à la souveraineté d’une nation. En privilégiant les « monnaies privées », ce qui est recherché ici n’est ni plus ni moins qu’un démantèlement du monopole légitime de l’Etat et un retour à une multiplicité de petits seigneurs frappant monnaie pour leur propre compte. Affaiblissant les prérogatives de la puissance publique et menaçant notre souveraineté, aux Etats-Unis comme en Europe. Car l’Union européenne (UE) et l’euro sont attaqués.
Les pressions des lobbys de la cryptomonnaie s’intensifient pour que les stablecoins dollars et euros puissent être échangés sur le Vieux Continent. Une telle pratique est explicitement interdite par la législation européenne – et à juste titre. Dans un marché déjà dominé à 99 % par des stablecoins libellés en dollars, prétendre que cette ouverture servirait les intérêts européens relève de la mauvaise foi, voire du double jeu.
Les responsables politiques de Bruxelles semblent prêts à flancher face aux pressions du secteur privé, quand bien même la Banque centrale européenne, la Banque des règlements internationaux et le Conseil européen du risque systémique ont appelé à la prudence. Ce qui peut apparaître comme un débat technique et théorique a, en réalité, des conséquences très concrètes : perte de maîtrise de notre politique monétaire, multiplication des circuits financiers parallèles, redirection des capitaux européens vers les Etats-Unis et leur dette, mais aussi instabilité financière.