En temps de crise, la tentation est vieille comme le monde : chercher un coupable extérieur. En France, c’est soit « l’étranger », soit « Bruxelles ». Dans le cadre du débat budgétaire, voilà qu’on accuse la contribution française au budget européen de grever nos finances. Sous la pression et les menaces du camp souverainiste, même certains responsables politiques « pro-européens » semblent céder à ce discours paresseux. C’est irresponsable, car il repose sur des calculs biaisés, une incompréhension des équilibres européens et une fuite en avant dangereuse. Plus encore, c’est inutile, car cela ne réglera rien des problèmes français.
Oui, la France est contributrice nette, comme tous les pays les plus riches de l’Union. Sur les dix dernières années, notre pays a versé en moyenne entre 25 et 27 milliards d’euros par an, pour en recevoir de 16 à 19 milliards en fonds européens. Mais l’arithmétique comptable ne dit rien de l’essentiel.
D’abord, parce qu’il faudrait y inclure le plan de relance de 40 milliards d’euros pour la France. Il y a quelque temps, certains assuraient encore que nous aurions pu emprunter seuls, aux mêmes conditions. Aujourd’hui, chacun voit que ce n’est plus vrai. Ajoutons la Banque européenne d’investissement, dont la France est le premier bénéficiaire, et l’argument mille fois entendu selon lequel « l’Europe nous vole notre argent » s’effondre.
Ensuite, parce que la logique du « retour net » est absurde. L’Union n’est pas une tirelire, c’est un investissement. Il faut mettre en perspective les cotisations et l’ensemble des bénéfices directs et indirects. Qui mesure les millions d’euros de contrats remportés par nos entreprises pour les grands projets, comme ITER (nucléaire) ou Copernicus (climat) ? Qui chiffre l’accès au marché unique – évalué à 2,75 % du produit intérieur brut, selon les estimations les plus prudentes ? Qui additionne les contrats remportés à l’international grâce aux accords de libre-échange négociés par l’Union ? Qui valorise les sommes rendues aux Français grâce à la coopération européenne dans la lutte contre la fraude fiscale et la criminalité financière ? Réduire l’Europe à un solde comptable, c’est avoir une vue de myope.