Selon plusieurs experts, ce trafic peut rapporter désormais davantage que celui des drogues dures : le « deal » de civelles, des alevins d’anguilles dont le poids n’excède pas quelques dixièmes de gramme, est totalement illégal, mais florissant. Fin juillet, le tribunal correctionnel de Bruxelles a condamné à des peines de prison dix membres d’une « mafia des anguilles », neuf Asiatiques et un Belgo-Marocain. Tous faisaient partie d’un réseau européen actif dans la vente de cette espèce sauvage en voie de disparition, dont le prix au marché noir oscille désormais entre 3 000 euros et 9 000 euros le kilo.
Engraissés en Asie dans des parcs aquacoles jusqu’à ce qu’ils puissent être vendus et consommés, les poissons représentent un marché très rémunérateur dans cette partie du monde, où l’anguille est parée de vertus gustatives, mais aussi énergisantes : on l’inscrivait, par exemple, au menu des samouraïs.
En avril 2023, des policiers d’Anvers, stupéfaits, découvraient 150 kilos de civelles dans deux bassins alimentés par une pompe. Deux mois plus tôt, six voyageurs avaient été interceptés à l’aéroport de Bruxelles : ils avaient fait enregistrer dix-huit grosses valises identiques, à destination de Doha, puis de Kuala Lumpur, en Malaisie. A l’intérieur, des sacs d’eau réfrigérée contenant des dizaines de kilo d’alevins d’Anguilla anguilla, l’anguille d’Europe.