Un jour de 1981, l’Anglais David Bellos, très enrhumé, se traîne dans un couloir de l’université d’Edimbourg où il enseigne depuis 1972 la littérature française, en particulier Balzac, quand il croise un de ses collègues. « Va te coucher, et lis ça ! », lui intime ce dernier, en glissant dans sa main un livre de poche français au titre curieux, La Vie mode d’emploi (Hachette, 1978). « Je n’ai pas pu terminer le bouquin, mais je pense qu’il va te plaire », ajoute-t-il. Un geste décisif. Le roman de Georges Perec captive David Bellos. A la suite de cette lecture, il se met en tête de traduire en anglais La Vie mode d’emploi. Puis il deviendra le biographe et l’un des meilleurs spécialistes de l’écrivain français – mais aussi de Romain Gary et de Jacques Tati.
Souffrant d’athérosclérose, David Bellos s’est effondré le 26 octobre, dans sa résidence secondaire de Doussard (Haute-Savoie). A 80 ans, il enseignait toujours la littérature comparée, et adorait filer sur son vélo noir retrouver ses étudiants de Princeton (New Jersey). Il y a quelques mois, l’université américaine, qui l’avait recruté en 1997, lui avait accordé une année sabbatique. Installé à Paris, il travaillait à un livre sur la langue française, préparait un séminaire sur Balzac pour la rentrée de 2026, tout en suivant de près tout ce qui touchait à Georges Perec.